Les deux principaux constituants du thym sont le thymol et le carvacrol. Le thymol (à la fois phénolique, médicinal, sucré et épicé), la plus importante signature aromatique du thym, qui entre jusqu'à 50 % de son contenu volatil et qui est aussi dans de nombreuses autres plantes, lui donne ses notes phénoliques aisément identifiables.

Le thymol est aussi l'une des principales molécules sapides contenues dans la viande d'agneau, ce qui explique l'utilisation séculaire du thym dans les recettes à base d'agneau. D'où l'union juste de cette chair rose au goût naturel de thym, souvent rehaussée de thym à la cuisson, avec les vins rouges du bassin méditerranéen.

Quant au carvacrol, deuxième constituant majeur du thym, il est aussi la principale signature de l'origan et de la livèche (au goût anisé, rappelant le carvi), tout en participant à celle de la bergamote. Se joignent à ces deux composés aromatiques dominants, l'eucalyptol, à l'odeur d'eucalyptus, et le bornéol, à l'odeur boisée de camphre. Ces deux derniers participent aussi aux parfums du laurier et du romarin.

Puis, il y a l'a-pinène, qui est un monoterpène à l'odeur camphrée de pin et de genièvre, qui se retrouve aussi dans la menthe, la sauge, la lavande, le safran et le gingembre. Tous des aliments complémentaires pour cuisiner avec le thym (voir le graphique ci-haut).

Le pinène réagit fortement avec l'iode en le sublimant, et il rehausse donc la note iodée des algues et des fruits de mer lors de leur cuisson avec du thym. Comme le thymol, il est insoluble dans l'eau, mais soluble dans l'alcool et dans l'huile. Il faut donc idéalement faire macérer le thym dans du vin ou de l'huile avant ou pendant la cuisson si l'on désire magnifier la saveur iodée.

Notez qu'une fois en bouche, le thym, lors de sa rencontre avec une gorgée de vin, donc d'alcool, mettra en valeur la note iodée du vin ou de l'aliment avec lequel il est cuit (à l'exemple des fruits de mer). Enfin, de nombreux autres composés volatils de la famille des terpènes sont au nombre des constituants aromatiques du thym. Pour réussir l'harmonie à table, il faut donc penser aux vins à base de cépages dits «terpéniques».

Herbes de Provence

Le thym fait partie des cinq épices utilisées dans le réputé mélange d'herbes de Provence. Selon la réglementation émanant du label d'appellation d'origine contrôlée «Herbes de Provence», le très officiel mélange doit être composé de 26% d'origan, de 26% de romarin, de 26% de sarriette, de 19% de thym et de 3% de basilic. Ce sont toutes des herbes de la famille des lamiacées, toutes marquées par des principes actifs terpéniques, exhalant des odeurs à la fois camphrées, mentholées, herbacées, épicées et boisées, avec une forte tonalité «épinette/pin/sapin».

Les vins de cépages terpéniques sont à privilégier, même si certains de ces cépages sont du nord de la France, et non du Midi, d'où proviennent ces herbes. Il faut aller dans le sens du muscat, sec ou moelleux, du riesling, du gewurztraminer, et des autrichiens müller-thurgau et scheurebe, des espagnols albariño et viura, sans oublier la muscadelle bordelaise.

Les vins en accord avec le thym

Quant aux vins rouges, c'est dans les vins du Midi, tant de la Provence que du Rhône Sud et du Languedoc, tous à base de grenache, de mourvèdre et de syrah, ainsi que dans plusieurs des vins du bassin méditerranéen (centre et sud de l'Italie, côte est de l'Espagne, Grèce, Liban, Maroc, Tunisie, Algérie), que le thymol du thym participe fortement au bouquet et à la structure physique. Le thymol est aussi l'une des notes de tête des parfums de garrigue de ces vins, avec, entre autres, le romarin, la sarriette et la lavande.

Lorsque le thym domine une recette, choisissez des vins rouges du Languedoc et du Roussillon (Corbières, Fitou, Saint-Chinian, Coteaux-du-Languedoc), comme le Clos Bagatelle «Cuvée Tradition» 2007 Saint-Chinian, France (13,45$; 446 153), un assemblage de syrah, de grenache, de carignan et de mourvèdre, au nez aromatique et charmeur, qui déploie des notes de garrigue, de mûre, de poivre et de violette, à la bouche aux tanins fins et fondus, à l'acidité fraîche, d'une présence de bouche qui étonne pour son rang et à la longue finale marquée par le thym.

Allez-y aussi avec les crus du Rhône (Châteauneuf-du-Pape, Lirac, Côtes-du-Rhône-Villages), de Provence (Côtes-de-Provence, Bandol) et d'Espagne (Montsant, Priorat, Penedès, Alicante, Almansa, Jumilla), comme le tout nouveau et très réussi Can Blau 2006 Montsant, Cellers Can Blau, Espagne (23,55$; 11 034 644) - né d'un assemblage de mazuelo et de syrah, complété par la garnacha -, au fruité pur, plein, texturé, généreux en bouche, non dénué de fraîcheur et subtilement marqué par les parfums de la garrigue du Priorat.

En blanc, lorsque la recette cuisinée convient aux vins de cette couleur, il faut délaisser en partie les vins du Midi, pour se diriger vers ceux plus septentrionaux, à base de cépages dits «terpéniques». En l'occurrence, les vins blancs alsaciens, allemands et autrichiens de muscat, de riesling de gewurztraminer, de müller-thurgau et de scheurebe. À ce jeu, optez pour l'aromatique, vivifiant, ample Riesling Wolf Blass «Gold Label» 2007 Adelaïdes, Australie (19,75$; 10 829 242).

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François Chartier est l'auteur du nouveau guide des vins et d'harmonies avec les mets La Sélection Chartier 2009, aux Éditions La Presse. On peut lui envoyer des questions sur le blogue internet www.francoischartier.ca ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9.