Avec le nombre élevé de journées glaciales que l'hiver nous a réservées jusqu'ici, la tendance harmonique est plutôt au cocooning et aux aliments réconfortants. Le temps est donc venu de chroniquer sur quelques idées de plats fumants, faciles à concocter, qui réchaufferont la maisonnée et, dans certains cas, vous feront faire un bond nostalgique dans le passé.

Au retour d'une froide journée de sports d'hiver, rien de plus convivial et chaleureux qu'une fondue au fromage québécois, comme la tomme de Kamouraska et le fromage Kénogami. Pour réussir l'accord avec la salinité que ces fromages développent une fois cuits, et l'acidité du jus de citron ou de l'alcool nécessaire pour conserver au fromage ainsi cuit une bonne texture onctueuse, c'est un blanc sec, à la fois plein et vivifiant qu'il vous faut.

 

Ce à quoi répondent les vins de cépages manseng ou chenin blanc, ainsi que certains sémillons. Vous pourriez opter pour l'excellent chenin blanc Les Pépinières 2006 Anjou, Domaine Jo Pithon, France (24,90$; 10 525 345), à l'acidité fraîche, mais d'une texture presque dense et quasi aérienne, au nez à la fois fin, délicat et complexe, jouant dans la sphère aromatique du tilleul, du miel de sarrasin et de la poire - ce qui sera en parfaite osmose avec la poire William que vous pourriez utiliser comme alcool de cuisson!

Vous avouez avoir un petit plaisir coupable pour le traditionnel et réconfortant plat de «steak-blé d'Inde-patates» ? Alors, servez-vous un bon petit verre de rouge, aux tannins plutôt doux et au corps pas trop relevé, mais non dénué de saveurs. À ce jeu, achetez les yeux fermés le 2006 du très bon Altano 2006 Douro, Symington Family Estates, Portugal (12,45$; 579 862), qui est un 2006 au charme immédiat, tout en fruit et en épices douces - et osez ajouter une touche de quatre-épices à votre recette! -, au corps ample et texturé, aux tannins ronds et à l'acidité discrète, laissant place à un certain velouté sensuel.

Vous pourriez aussi jouer les originaux en servant un vin au corps de même profil, mais à la singularité unique, étant à base du rarissime cépage baco noir. Donc, choisissez le Baco Noir Henry of Pelham 2005 Ontario VQA, Henry of Pelham Family Estate, Canada (14,85$; 270 926), qui, comme à son habitude, est l'une des plus belles et engageantes curiosités de la péninsule du Niagara. Le nez est très aromatique et passablement riche pour son rang, de style Nouveau Monde, exhalant des notes de fruits confits, de girofle et de torréfaction. La bouche suit avec à la fois de l'ampleur et de la fraîcheur. Les tannins sont souples et les saveurs persistantes.

Pour un plat plus substantiel, porteur de chaleur humaine comme le rôti de palette au vin rouge de nos grands-mères, servi avec des légumes rôtis, dont un anisé bulbe de fenouil, il vous faudra idéalement le même type de vin que celui ayant été utilisé pour attendrir la viande pendant la douce et longue cuisson de plus de trois heures. Quel type de vin, me demandez-vous? Un vin qui a de la chair et une certaine onctuosité, pour envelopper à la fin ce plat tout aussi pénétrant. Mon choix de l'heure?

Bon, O.K., le voici: optez à coup sûr pour le tout nouvel arrivage du trois étoiles Luzon 2007 Jumilla, Espagne (13,95$; 10 858 158) - qui commence à peine à être distribué en succursale -, le deuxième millésime à nous parvenir de cette nouveauté, saluée pour son très bon 2006 dans La sélection Chartier 2009. Vous retrouverez un rouge, à base de monastrell et complété par la syrah, gorgé de soleil, au fruité mûr, à la bouche tout aussi pleine, enveloppée, mais aux tannins démontrant un grain plus serré, millésime de grande qualité oblige, au charme évident et aux saveurs expressives, jouant dans l'univers des épices et de la torréfaction. Il m'a même semblé un brin plus complet que le déjà très bon 2006.

Votre plat hivernal réconfortant est plutôt du genre jarrets d'agneau braisés au miel de sarrasin? Qu'à cela ne tienne et dénichez un rouge à la fois explosif et généreux, qui saura soutenir les saveurs à la fois gommées et presque sucrées d'un tel plat mitonné. Les tempranillos espagnols, élevés en barriques de chêne américain, développent une sucrosité (sans sucre), arrondissant les angles des tannins, qui sied avec brio à ce type de saveurs. Recherchez le délectable et étonnamment réussi Marqués de Riscal Reserva 2004 Rioja, Espagne (23,30$; 10 270 881), vous serez ainsi conquis par ses notes de cuir, de cacao, de café et de cerise à l'eau-de-vie, tout comme par sa bouche dense, volumineuse et généreuse à souhait.

Enfin, quoi de mieux à l'heure du dessert qu'un fumant et onctueux pudding au pain et au chocolat noir, rehaussé d'une pincée de muscade? Pour pénétrer cette texture, sans la dominer, afin que les souvenirs de l'enfance soient mis à l'avant-scène, servez un capiteux mais aussi patiné et raffiné porto de type tawny. Donc, un porto plus caramélisé que fruité. À ce jeu, deux gros doigts du délectable et suave Otima 10 ans, Porto Tawny 10 ans, Portugal (24,95$; 565 705) suffiront amplement pour sucrer le bec à l'enfant qui sommeille en vous, tout en vous tenant bien chaud et douillet pendant les longues et glaciales fins de soirée à venir.

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François Chartier est l'auteur du nouveau guide des vins et d'harmonies avec les mets La sélection Chartier 2009, aux Éditions La Presse. On peut lui envoyer des questions sur le blogue internet www.francoischartier.ca ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9.