À dix jours de Vinexpo, le gigantesque salon des vins et spiritueux où se croiseront à Bordeaux les grands viticulteurs et négociants du monde entier, nombre de châteaux des appellations les moins prestigieuses du Bordelais se débattent pour échapper à une «mort annoncée».

Comme près d'un quart des viticulteurs bordelais qui travaillent à perte, Dominique Ducourt, «petit» propriétaire de l'Entre-deux-mers, envisage l'avenir avec pessimisme.«C'est la mort annoncée, on y va tout droit», dit-il à l'AFP sur sa propriété de 45 hectares de Sauveterre-de-Guyenne (Gironde). «Si ça ne redémarre pas, je vais arrêter, là, je travaille pour rien».

Ses fils, 19 et 24 ans, avaient prévu de prendre la suite du domaine, propriété familiale depuis cinq générations, mais Dominique Ducourt leur a dit «pour l'instant, d'aller faire des expériences ailleurs», car «là, il n'y a pas à manger».«On se chauffe au bois, on fait un potager pour manger, c'est de la survie, on ne peut plus rafistoler les vieilles machines, les projets sont rangés dans les cartons, rideau, terminé», explique le quinquagénaire. «On vit sur la quille», ajoute le vigneron qui se rémunère 1000 euros (1400$) par mois avec son épouse qui travaille avec lui.À des années-lumière du train de vie confortable des grands crus, qui ne représentent que 4% de la production bordelaise, mais 20% de son chiffre d'affaires, Dominique Ducourt commercialise sa production «en vrac» en appellation générique bordeaux. «C'était ce qui marchait le mieux, dans la famille on a toujours fait du vrac, la mise en bouteille, c'est un autre métier», soupire-t-il.

Aujourd'hui les producteurs de «vrac» sont ceux qui souffrent le plus. Il «n'a pas dégagé 2000 euros (2800$) de bénéfice sur l'exercice 2010».Le prix du tonneau est en chute libre et seule la création récente d'un outil de stabilisation des prix a permis de fixer à un minimum de 800 euros (1132$) le tonneau de 900 litres des appellations génériques. Un minimum qui devient plafond, selon ses détracteurs.«Le négoce est tout puissant, c'est eux qui commandent», explique Dominique Ducourt, «si on obtenait dix centimes de plus par litre, je serais heureux comme un pape».

Si le plan «Bordeaux Demain» de sortie de crise mis en place par l'instance interprofessionnelle propose «des mesures efficaces à moyen voire long terme, d'ici là il y aura de la casse», juge Jean-Louis Nadau, secrétaire général adjoint de la FDSEA.La propriété de Dominique Ducourt fait partie du «modèle appelé à disparaître» dans le plan «Bordeaux Demain», selon la FDSEA de Gironde.

Pour beaucoup, le handicap de ces petits producteurs est qu'ils dépendent trop du marché français qui décroît régulièrement.«La marge de progression, c'est l'export», estime Franck Ballester, directeur de la FDSEA. «mais il faut y aller avec des volumes suffisants et donc à plusieurs». «Aujourd'hui le secret c'est la mise en commun des moyens, si on n'arrive pas avec une force de vente suffisante, on perdra du terrain», explique-t-il à l'AFP.Robert Beynat, directeur général de Vinexpo, a déploré aussi, devant la presse, l'«atomisation» du vignoble bordelais alors qu'il faudrait des entreprises puissantes qui puissent «développer des marques».

Les vins d'entrée de gamme ont «énormément de volumes à placer et les propriétés sont en concurrence avec d'autres vins étrangers du même niveau qualitatif, mais moins cher», renchérit Franck Ballester.Pour sortir de l'ornière, le célèbre critique de vin Robert Parker préconise que les petits châteaux mettent leur vin «tôt en bouteilles» et le vendent bon marché. Il est persuadé, dit-il à l'AFP, qu'il y a «un marché pour ces vins».