Si tout va bien, un terril d'Haillicourt (Pas-de-Calais) produira en 2013 la première cuvée d'un vin blanc issu des efforts conjugués du maire de cette commune du bassin minier, d'un passionné vinicole d'origine nordiste et d'un viticulteur charentais.

Au coeur de cette ancienne cité minière proprette et tirée au cordeau, ces plants de vigne sur terril détonnent. Pourtant, le futur breuvage - premier du genre en France - ne devrait pas être une horrible piquette «mais un bon vin avec une forte identité», estime Henri Jammet, vigneron à Saint-Sornin (Charente).

Avec un groupe d'amis charentais, il est venu planter à la mi-mars 3000 pieds de chardonnay blanc sur un tiers d'hectare du terril avec une déclivité de 80%, auparavant débroussaillé par des chantiers d'insertion. Il a choisi le cépage chardonnay, le plus planté au monde, très adaptable et à maturité précoce.

M. Jammet croit aux atouts du terril. «Sur sa face sud, il capte bien les rayons du soleil en automne et avec sa pente, il sèche très vite. Nous avons planté à mi-pente pour éviter les gelées de printemps et c'est un terrain noir schisteux qui paraît très adapté d'un point de vue agronomique».

Cet enseignant en viticulture qui trouve cette équipée nordiste «grisante», a également prévu une hauteur de feuille de 40 centimètres plus élevée que d'habitude pour favoriser la photosynthèse. La seule inconnue pour lui est l'odeur de charbon, qui devrait se traduire «par une forte identité» du vin.

C'est Olivier Pucek, un de ses voisins de vigne à Saint-Sornin, qui l'a entraîné dans l'aventure. Originaire de la région d'Haillicourt, il s'est installé en Charente où il est devenu directeur de cabinet du président du conseil général.

«Je me suis passionné pour la viticulture et comme j'ai longtemps vécu près des terrils, j'ai pensé qu'ils pourraient constituer un milieu très favorable», raconte M. Pucek.

Il a emmené M. Jammet sur sa terre d'origine en 2008 et ce dernier a été «subjugué» par le lieu et l'accueil. Les démarches administratives ont été facilitées par l'intérêt pour le projet de l'Établissement public foncier - qui gère les terrils - et l'enthousiasme du maire d'Haillicourt, Gérard Foucault.

Ce dernier a convaincu son conseil municipal de financer le tiers du projet, soit un budget annuel pour lui de 8000 euros. Les deux autres tiers sont apportés par une société créée pour l'occasion, «Les vins audacieux», avec parmi les actionnaires le député PS local Serge Janquin.

«La société pourra commercialiser sa part de la production de vin, mais pas la mairie. Nous l'utiliserons pour les vins d'honneur», sourit le maire.

Passionné de nature, il se réjouit qu'on ait prévu à terme de faire un vin bio à partir de son terril. Si tout se passe bien, il envisage une extension des plantations auxquelles s'ajouterait un vaste parc botanique.

Cette utilisation noble des terrils est caractéristique d'un changement d'attitude. Longtemps considérés comme des déchets du passé minier à dissimuler, ils sont devenus des motifs de fierté que l'on visite pour se remémorer 270 ans d'histoire industrielle ou pour découvrir leur faune et leur flore particulières.

Sur les 354 sites d'exploitation de charbon nordistes, il reste 198 terrils dont une partie est exploités pour l'industrie (briques, tuiles, terre battue) et les autres comme réserves naturelles ou pour des projets ludiques ou sportifs.