Après 36 ans de recul, la consommation de bière en France a depuis quelques années inversé la tendance et croît en volume, mais désormais encore plus en valeur, le résultat d'une montée en gamme initiée par les artisans et entretenue désormais par les gros brasseurs.

«Sur le marché connu (grandes surfaces et hôtellerie, restauration), on est à +2,7% en volume en 2017 et +8,1% en valeur pour la grande distribution», a détaillé à l'AFP Maxime Costilhes, délégué général du syndicat professionnel Brasseurs de France.

Joao Abecasis, PDG de Kronenbourg SAS, s'est aussi félicité d'une «quatrième année de croissance consécutive» en 2017 pour le marché français dans son ensemble, lors de la présentation mardi des résultats de la filiale française du groupe Carlsberg.

Et selon lui, cette tendance se poursuit en 2018, puisqu'en janvier et février, les ventes de bières en France ont crû de 3,6% en volume et 8,2% en valeur toutes marques confondues.

Si les ventes de bières blondes traditionnelles sont stables, «la croissance est portée par les bières spéciales, plus sophistiquées», souligne M. Abecasis. Il distingue en particulier trois catégories (bières sans alcool, bières de dégustation et bières aromatisées) qui progressent chacune de 11% environ.

Ces produits représentent aujourd'hui 27,5% des volumes du premier brasseur de France, contre à peine 10% en 2010. «Nous comptons poursuivre et renforcer cette transformation de notre portefeuille», a déclaré M. Abecasis, pour qui cette «premiumisation» du marché est «beaucoup plus accélérée en France» que dans d'autres pays et «le fait de tous les acteurs».

Le sans alcool ivre de son succès

La croissance de la bière en France, «c'est tiré par les brasseurs artisanaux, bien entendu», note M. Costilhes, rappelant que les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) «ont relancé plein de choses, notamment en termes d'image».

«Mais ça bénéficie à tout le monde aujourd'hui, et les "grands" font des innovations, beaucoup plus qu'ils n'en faisaient il y a cinq, six ans», poursuit-il, estimant que la France est un «marché en totale innovation».

Dans cet ordre d'idées, Kronenbourg compte ainsi lancer cette année de nouveaux produits, comme une Skoll à la vodka et au citron, une Grimbergen de dégustation ou une Tourtel Twist goût Mojito, sans alcool.

À en croire M. Abecasis, le sans alcool a une grosse marge de progression dans l'Hexagone: «Le sans alcool, c'est 2% du marché de la bière en France, 4% chez Kronenbourg», explique-t-il, relevant que ces bières représentent 10% des marchés voisins espagnol et allemand: «On peut doubler dans les prochaines années», estime-t-il.

«C'est un important relais de croissance», confirme M. Costilhes. En France, «très longtemps, la bière sans alcool avait une très mauvaise image», rappelle-t-il. «Le travail qu'ont fait plusieurs marques a revalorisé l'image parce que le goût a changé», au point que les amateurs de bière au sens large sont aujourd'hui «les premiers consommateurs de bière sans alcool» (huit consommateurs sur dix).

Parmi les nouveaux consommateurs de bières, avec ou sans alcool, les femmes sont un important soutien de la dynamique de consommation de la bière en France, indique M. Abecasis.

«Il y a une féminisation de la consommation, dans le sens où il y a un rééquilibrage de la consommation: Aujourd'hui, on ne peut pas dire que les femmes ne boivent pas de bières, ce n'est plus le cas», confirme M. Costilhes.

«La France part toutefois de très bas, et demeure le 27e pays consommateur de l'Union européenne, avec 31 litres par habitant et par an», rappelle M. Abecasis.

Les derniers chiffres de Brasseurs de France donnent eux 32 litres par an et par habitant, soit deux litres de plus qu'il y a quatre ans.

Le nombre de producteurs a lui doublé depuis 2015 pour atteindre 1100 brasseries en 2017 et 4000 marques françaises.