Amère, fruitée, légère ou fortement alcoolisée: la bière artisanale compte toujours plus d'amateurs en France, à la recherche de produits locaux à forte identité.

T-shirt à l'effigie de sa marque, debout entre deux grosses cuves en cuivre, Jean-Christophe Cambier livre chaque samedi les secrets de fabrication de sa bière à des visiteurs tout ouïe, à Croix, près de Lille.

«On met l'eau dans la cuve, on fait chauffer et ensuite on va ajouter le deuxième ingrédient, qui est..?», demande-t-il. «Le houblon!», répondent ses élèves d'un jour. Erreur: «le houblon ça vient après. Là, c'est le malt d'orge».

On compte aujourd'hui 1100 brasseries en France, dont la moitié n'existaient pas il y a cinq ans, selon l'association Brasseurs de France.

«Je savais que le marché était très dynamique actuellement, mais je ne pensais vraiment pas que j'allais produire 200 000 litres au bout de trois ans. Je tablais plutôt sur 80 000 litres par an», explique M. Cambier, ingénieur agronome de 36 ans, qui a lancé sa gamme début 2015.

Ancien salarié du géant néerlandais Heineken, il vend la moitié de sa production sur place, l'autre dans des bars et chez des cavistes. Sa bière phare, à l'étiquette moderne: la Mongy, nom du tramway reliant Lille à Roubaix et Tourcoing.

«On a une volonté affichée du consommateur de privilégier le circuit court, des produits avec une identité régionale, avec une bière qui prend le nom d'une commune, d'un canton, des expressions en langue régionale», souligne Jacqueline Lariven, directrice de la communication de Brasseurs de France.

Un produit qui séduit, quitte à le payer plus cher qu'une bière industrielle: environ 2,5 euros (3,75 $) la bouteille de bière artisanale de 33 cl en magasin contre un peu moins de 1 euro (1,50 $).

«Une bière qui s'affirme à nouveau»

À Paris, au bord du bassin de La Villette, des brasseurs fabriquent leurs bières à quelques mètres de leur bar-restaurant, la Paname Brewing Company.

«Au moins, on sait qu'on consomme quelque chose qui est fait ici», assure Céline, attablée avec des amies. «Ça prouve qu'on sait aussi faire de la bière et que les meilleures bières ne sont pas qu'en Belgique», renchérit Laura.

«Je ne suis pas surpris, car aux États-Unis il y a déjà beaucoup de microbrasseries, qui vendent leurs produits sur place», affirme pour sa part Nick, un touriste californien.

La tendance du moment vient d'ailleurs des États-Unis: les bières de type IPA, india pale ale, crées pas les colons britanniques au 18e siècle, ont été remises au goût du jour par les microbrasseurs américains. Très amères et fortement houblonnées, elles étaient quasiment inconnues en France voici cinq ans mais sont aujourd'hui produites par la majorité des petits brasseurs.

«Pendant longtemps, le talon d'Achille de la bière a été son amertume, d'où l'essor de bières moins amères comme les bières blanches ou aromatisées», explique Jacqueline Lariven.

«Mais depuis trois quatre ans, on assiste au retour du houblon avec des bières qui revendiquent leur amertume, comme les IPA. On a une bière qui s'affirme à nouveau», selon elle.

Dans une ancienne ferme du nord, Dominique Dillies, 65 ans, a lancé il y a cinq ans sa bière, la PVL, abréviation de la région où il est installé, la Pévèle.

Du houblonnage à la refermentation en bouteille, le processus de fabrication prend deux mois. Les brasseurs créent facilement de nouvelles recettes en variant les types de houblon.

«On ne peut pas dire que la brasserie est une affaire hyper rentable», confie toutefois M. Dillies. Ses ventes dépassent largement ses attentes, mais au bout de cinq ans, il atteint tout juste l'équilibre et ne se verse pas de salaire.

Si la France est le troisième pays européen en nombre de sites de production, elle n'est que l'avant-dernier consommateur de l'UE, avec 30 litres par an et par habitant, selon des chiffres de Brasseurs de France.