Une levure de Patagonie rapportée fortuitement en Europe au XVe siècle a donné naissance à la bière blonde à fermentation froide appréciée aujourd'hui dans le monde entier, a découvert une équipe de chercheurs dont l'étude est parue lundi aux États-Unis.

Cette levure, appelée «saccharomyces eubayanus», pourrait avoir été transportée il y a 500 ans, depuis une plage d'Amérique du Sud sur un morceau de bois ou dans l'estomac d'une mouche drosophile, pour se retrouver dans une cave ou un monastère de Bavière où des maîtres brasseurs stockaient leurs produits, selon les auteurs de cette recherche.

La levure émigrée a alors fusionné avec une de ses cousines éloignées, la «saccharomyces cerevisiae», levure utilisée depuis des millénaires en Europe et en Asie pour faire lever le pain et fermenter le vin et la bière.

La levure hybride qui en a résulté a permis de produire la bière blonde, dite «lager» dès le XVe siècle en Bavière, expliquent ces chercheurs dont l'étude paraît dans les annales de l'Académie nationale américaine des sciences datées du 22 au 27 août.

Aujourd'hui, le marché mondial des bières blondes, qui représente la majorité du marché de la bière, pèse 250 milliards de dollars par an.

Les scientifiques et les brasseurs savaient depuis longtemps que cette levure capable de produire une fermentation à des températures froides était hybride, mais ignoraient jusqu'alors la nature du micro-organisme qui a fusionné avec la «saccharomyces cerevisiae» pour permettre de produire une telle propriété.

Toutes les recherches effectuées parmi plus de cent espèces de levures connues des scientifiques avaient jusqu'ici fait chou blanc.

«On cherchait cette chose depuis des décennies», souligne Chris Todd Hittinger, un professeur de génétique à l'Université du Wisconsin à Madison, co-auteur de cette étude.

«Et maintenant nous l'avons trouvée, c'est sans aucun doute l'espèce manquante dans cette levure hybride» permettant une fermentation à froid de la bière», poursuit-il.

«La seule chose que nous ignorons c'est de savoir si cette une espèce hybride similaire existe ailleurs à l'état sauvage sans avoir encore été découverte», relève ce chercheur.

La découverte de cette espèce mystérieuse de levure a résulté d'une recherche étendue au niveau mondial menée par José Paulo Sampaio et Paula Gonçalves de la Nouvelle Université de Lisbonne au Portugal.

C'est finalement un de leurs collaborateurs de l'Institute for Biodiversity and Environment Research à Bariloche en Argentine qui a trouvé le micro-organisme furtif dans des mites infectant des hêtres en Patagonie dont l'ADN est très similaire à la moitié de la levure hybride permettant de fermenter la bière lager.

«Les mites des hêtres sont très riches en sucres, un habitat, dont cette levure semble être particulièrement friande», note Chris Todd Hittinger.