L'oenologue, chercheur, vigneron et propriétaire de châteaux bordelais Denis Dubourdieu, fondateur-directeur de l'Institut des sciences de la vigne et du vin, dont les travaux de recherche dans les années 80 ont inspiré la viticulture contemporaine, est décédé hier lundi à l'âge de 67 ans, a-t-on appris de sources concordantes.

Né en 1949 à Barsac (Gironde), issu d'une famille de viticulteurs, il était devenu ingénieur agronome, oenologue et enseignant tout en restant un praticien de la vigne dans ses propres domaines, ce qui lui avait valu le surnom de «pape du blanc».

L'amélioration des vins blancs a été au centre des recherches menées par Denis Dubourdieu. Ce travail scientifique de chercheur ne l'a pas empêché de mener de front durant sa vie son labeur de vigneron dans ses domaines, notamment Doisy-Daëne (2e grand cru classé 1855 de Barsac), des activités de conseil auprès des plus grandes propriétés viticoles, en France (Yquem en Sauternes, Cheval Blanc en Saint-Emilion pour ne citer que les plus réputées) ou à l'étranger, ainsi que ses responsabilités de pédagogue à l'université.

«Il a contribué à réécrire la recette générale de fabrication du vin», résume son ancien élève et voisin, Jean-Christophe Barbe, gérant du Château Laville, à Preignac (Gironde). «La vinification des blancs, leur expression aromatique, sont passées aujourd'hui dans les moeurs et pratiques des vignerons à Bordeaux et ailleurs. Ses travaux ont permis de très nombreuses avancées», estime-t-il.

«Ses travaux de recherche sont à l'origine des vins blancs modernes de Bordeaux, qui allient finesse et complexité aromatique et n'ont rien à voir avec ce qui se faisait avant lui», a estimé le président du Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), Allan Sichel, soulignant «l'importance considérable» de ses travaux de recherche. «Il avait également une capacité pédagogique exceptionnelle et savait diffuser son grand savoir avec des mots simples», a-t-il ajouté.

Le décès du fondateur en 2009 de l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV), rattaché aux Universités de Bordeaux et de Pau, a suscité également un grand émoi chez ses anciens élèves: l'un d'eux exprimait sa «tristesse» sur les réseaux sociaux, indiquant qu'il allait en sa mémoire «déboucher une de ses merveilleuses bouteilles, un Doisy-Daëne et un Clos Floridène» (Graves blanc ou rouge).

«C'était un vigneron curieux et innovant qui a toujours cherché à atteindre un projet esthétique du vin et n'a jamais succombé aux modes. Il était très intransigeant dans ses activités de conseils aux propriétés», dit de lui sa proche collaboratrice, ancienne élève et docteur en oenologie, Valérie Lavigne.

Denis Dubourdieu ne s'était pas limité aux vins blancs et avait aussi oeuvré sur l'amélioration qualitative des vins rouges et des vins liquoreux. «Beaucoup de régions viticoles appliquent les théories qu'il a développées. Il expérimentait beaucoup sur ses propres vignobles et ses derniers travaux ont porté sur la maladie du bois, contre laquelle il a mis en place des équipes de recherche internationales», a souligné Valérie Lavigne.

En 2016, il avait été consacré «Homme de l'année» par le magazine spécialisé britannique Decanter, une des publications de référence dans le monde du vin.

Il a laissé, en coopération avec Pascal Ribéreau-Gayon, un Traité d'oenologie en deux volumes (Éditions Dunod) et, en 2012, Autour d'une bouteille. L'oenologie dans tous ses états.

Sa femme, Florence, et leurs deux fils, Fabrice et Jean-Jacques, continueront à faire vivre leurs vins, sur 135 hectares, avec une production de 600 000 bouteilles par an.