Légendaire animateur d'Apostrophes, président du jury du Goncourt et infatigable défenseur et amoureux du Beaujolais, Bernard Pivot, enfant du cru, met sa notoriété au service de ce vignoble en crise et de ce vin avec qui il entretient une «relation charnelle».

«J'ai passé toute ma jeunesse dans le Beaujolais. J'ai fait tous les travaux de la vigne à l'exception de la taille. J'ai labouré, j'ai sulfaté, j'ai vendangé, j'ai soutiré... J'ai une relation charnelle avec le Beaujolais, une relation terrienne», dit Bernard Pivot.

Cofondateur en 2009, avec le critique Périco Légasse, du Comité de défense du Beaujolais, ce vin que les Français aiment tant critiquer, mais qu'ils ne connaissent pas ou plus, l'ex-animateur de télévision donne (gratuitement) chaque année son nom à une cuvée de la cave coopérative de Quincié-en-Beaujolais (Rhône) où il possède une propriété. Du Beaujolais-Villages, l'une des douze appellations du vignoble.

«Le "Villages", c'est celui que je préfère parce que c'est le plus simple, celui que je bois sans y penser même si je ne pense pas qu'on puisse boire un vin en pensant à autre chose», explique-t-il à Lyon, en marge de la sélection de la cuvée Bernard Pivot 2015.

Auteur d'un Dictionnaire amoureux du vin, M. Pivot, arbitre des élégances littéraires en sa qualité de président du prix Goncourt, plébiscite ce vin «que l'on peut boire tous les jours», «modeste et friand».

«Ce n'est pas un vin de grande occasion, ce n'est pas un vin de château, de vieux millésimes, mais un vin que l'on boit dans sa jeunesse. C'est un vin qui est associé à la jeunesse, l'énergie, à la fraîcheur et lié aussi aux jardins, aux jardins de curé ou d'ouvrier où il y a un peu de fruits rouges, de framboises, de cerises et cette année, plutôt de fruits noirs, plutôt de mûres ou du cassis.»

Un caquillon de Beaujolais

Âgé de 80 ans, Bernard Pivot est né à Lyon et a passé toute sa jeunesse dans le Beaujolais, notamment durant toute la période couvrant la Seconde Guerre mondiale. Là est née son affection pour ce terroir, mais aussi son initiation à la «gourmandise du vin».

Il aime aussi raconter l'anecdote selon laquelle c'est grâce à un caquillon, petit tonneau de 10 à 20 litres de beaujolais, qu'il a pu démarrer sa carrière de journalisme littéraire.

«J'ai été engagé au Figaro Littéraire grâce au miracle du beaujolais. Maurice Noël, rédacteur en chef et ami de Paul Claudel, m'avait bombardé de questions sur mes lectures et j'étais incapable de répondre (...) Je ne faisais pas l'affaire. Il m'a demandé d'où je venais, je lui ai dit que j'étais de Lyon et il m'a raconté ses souvenirs sur le Figaro qui s'était replié à Lyon en zone libre (...), les bouchons, les cochonnailles arrosées de délicieux beaujolais. (...) Je lui ai dit que ma mère avait une propriété dans le Beaujolais et alors d'un seul coup j'ai vu son visage s'éclairer. Il m'a demandé s'il pouvait avoir un caquillon contre un chèque. Je lui ai dit, +rien de plus facile. Dans 10 jours vous l'avez+. Et il m'a pris à l'essai pour trois mois. S'il n'y a pas de beaujolais, je ne suis pas pris.»

Pour le vignoble régulièrement secoué de crises comme encore à l'automne sur les prix du négoce, Bernard Pivot est l'ambassadeur idoine, relève un professionnel, en cassant l'image «franchouillarde» de ce vin sans paraître trop élitiste.

«C'est ma manière d'aider le Beaujolais... et il a besoin d'être aidé, car l'économie même du vin Beaujolais n'est pas florissante (...) Tout ce qu'on fait pour que son image soit restaurée est positif.»