Les propriétaires d'un vignoble syrien, Bargylus, aux prises avec le conflit qui déchire le pays depuis quatre ans, participent pour la première fois à Vinexpo, à Bordeaux, plus grand salon mondial consacré au vin.

«Je n'ai pas pu visiter le vignoble depuis que le conflit a éclaté voici quatre ans», explique à l'AFP Sandro Johnny Saadé, l'un des deux frères libano-syriens qui ont créé en 2003 le Domaine de Bargylus, dans le nord-ouest du pays. «Ce doit être actuellement le vin le plus pénible à produire, probablement le plus dangereux», souffle-t-il.

Grande et vieille famille de propriétaires grecs-orthodoxes de Syrie et du Liban, les Saadé ont perdu leurs terres en 1960 lorsque le régime égyptien de Nasser les a expropriés lors de la brève fusion entre l'Égypte et la Syrie. Mais ils n'ont jamais abandonné leur rêve de produire du vin.

Avec l'aide de l'oenologue-conseil français Stéphane Derenoncourt, Sandro et son frère Karim ont donc fondé le Domaine de Bargylus, près de Lattaquié. Cité par Pline l'Ancien, le Mont Bargylus (à 800 mètres d'altitude) - aujourd'hui appelé Jebel Al-Ansariyé - s'étend de la vallée de l'Oronte, près de l'antique cité d'Antioche, à la vallée de l'Eleuthère. Et ses coteaux étaient recouverts de vignes à l'époque gréco-romaine.

Les frères Saadé ont également fondé au Liban le Château Marsyas, un vignoble de 65 hectares dans la Plaine de la Bekaa.

«Quelques bombardements»

Sur les 12 hectares du Domaine de Bargylus sont produits des vins rouge (cépages syrah, cabernet-sauvignon, merlot) et blanc (sauvignon et chardonnay) confectionnés par des ouvriers agricoles issus de 35 familles: des musulmans, des Alaouites et quelques chrétiens.

Depuis le début de la rébellion contre le régime du président Bachar al-Assad, dont le fief est situé à Lattaquié, «il y a eu quelques bombardements mais pas de graves problèmes ici», sourit Sandro. Pourtant, se désole-t-il, «la Syrie était le pays le plus hospitalier du monde, nous n'avions jamais eu de problème».

Sur le plan économique, les choses ont en revanche toujours été complexes, tant pour l'importation des bouteilles que pour celle des bouchons de liège, mais également pour envoyer les échantillons de vin en analyse en laboratoire. «Faire du vin là-bas a toujours été trois fois plus cher qu'à Bordeaux ou en Californie», dit-il.

La guerre n'a fait qu'accentuer ces difficultés. Les frères ne peuvent plus traverser la frontière libanaise faute du ralentissement des autorisations et des problèmes de transport. Le vin lui passe en transit par Port-Saïd, en Égypte, jusqu'en Belgique où il est stocké.

Leurs vins syrien et libanais sont vendus en Grande-Bretagne, à Malte, Dubaï ou Istanbul et s'apprêtent à pénétrer les marchés chinois et japonais. Les bouteilles se négocient à 28 euros (39 $) pour le blanc et 36 euros (50 $) pour le rouge.

À Vinexpo, salon où se retrouvent les professionnels du vin du monde entier, les deux domaines espèrent trouver de nouveaux débouchés, particulièrement espérés aux États-Unis.