Un long bras de fer autour de la suppression d'exonérations sociales pour les salariés en «contrat vendange» a opposé jeudi le gouvernement et nombre de députés, surtout de droite et quelques-uns de gauche, mais la mesure a été finalement maintenue.

En baisse de 4,1%, l'ensemble des quelque 4,7 milliards d'euros de crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ont été adoptés. Les socialistes, radicaux de gauche et écologistes les ont soutenus, la droite et le Front de Gauche les ont rejetés.

Principale pomme de discorde du débat, l'article 47 prévoyant d'exclure les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers du champ d'application du dispositif d'exonération en faveur de l'emploi saisonnier agricole. L'article met aussi fin à l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les salariés embauchés en «contrat vendange».

La mesure, par laquelle le gouvernement entend notamment lutter contre un effet d'aubaine, représente une économie de près de 17 millions d'euros pour l'État.

Chaque année, environ 315 000 «contrats vendange» sont conclus.

Relayant les protestations du secteur viticole, une série de députés UMP, UDI, FN mais aussi radicaux de gauche, souvent de circonscriptions avec des vignobles (Marne, Bas-Rhin, Yonne, Aube, Aisne, Vaucluse...), se sont succédé pour défendre des amendements de suppression de tout ou partie de l'article contesté.

Votés auparavant par les commissions des Finances et des Affaires économiques, ces amendements ont été rejetés dans l'hémicycle par 22 voix contre 18.

Premier angle d'attaque, exprimé notamment par le rapporteur spécial Charles de Courson (UDI): le pouvoir d'achat de «citoyens modestes», étudiants, chômeurs ou retraités complétant leurs revenus grâce aux vendanges seront amputés de plus de 52 euros en moyenne par personne, sur une rémunération mensuelle de 650 euros.

Deuxième critique majeure: la suppression de ces exonérations va rendre moins attractive l'activité de vendange pour les Français et accentuer le recours à de la main-d'oeuvre étrangère. Un «message socialement dévastateur», a ainsi jugé le député PS de Gironde Gilles Savary, auteur d'une proposition de loi sur les travailleurs détachés, préférant s'abstenir et «ne pas mettre en difficulté le gouvernement».

Autre argument des détracteurs: la mécanisation des vendanges va être accrue. «Vous serez le fossoyeur de la qualité des raisins», a lancé Philippe Armand-Martin (UMP).

Cette mesure «va coller aux doigts comme la suppression des heures supplémentaires défiscalisées», a affirmé le radical de gauche Jacques Krabal.

Autant d'arguments contestés par le ministre de l'Agriculture.

«Le contrat vendange n'est pas remis en cause, seulement l'exonération de cotisation sociale des salariés» et les entreprises viticoles vont bénéficier de 60 millions d'euros d'exonérations supplémentaires en 2015 et voir le coût du travail baisser notamment grâce au Pacte de responsabilité, a assuré Stéphane Le Foll.

«Ne faites pas croire qu'on remettrait en cause la qualité du vin ni notre capacité à exporter», s'est-il écrié. Et les Français modestes pourront bénéficier de la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu, selon lui.

À l'UMP, le ministre a reproché son incohérence, vu sa saisine du Conseil constitutionnel l'été dernier sur une exonération de cotisations sociales devant bénéficier à «tous les salariés».

«Vous croyez que ramasser les pommes ou les fraises ou les asperges, c'est plus facile que de faire les vendanges», a aussi demandé ce Breton, racontant qu'à l'époque où il ramassait des pommes, il fallait 56 cageots pour gagner un Smic.

Le président de la commission des Affaires économiques François Brottes (PS) a appelé à «la responsabilité», notamment pour éviter «un rabot beaucoup plus large» sur d'autres dispositifs.

Le chef de file des députés Front de Gauche André Chassaigne a réaffirmé son opposition de principe aux exonérations pénalisant la Sécurité sociale.

L'écologiste Brigitte Allain, agricultrice de profession et dont la circonscription en Dordogne comprend le Monbazillac, s'est pour sa part dite convaincue que les appellations interdisant la mécanisation n'allaient pas y venir malgré cette mesure.