Le mois d'août pluvieux laissait présager une sombre récolte dans le Bordelais, mais l'ensoleillement exceptionnel de septembre a redonné le sourire aux vignerons qui vendangent depuis cette semaine des raisins «magnifiques» et en belle quantité.

Les responsables d'exploitations se gardent cependant de parler de millésime d'exception, car les vendanges de raisins rouges ne font que débuter pour le cépage bordelais le plus précoce, le merlot. Ils attendent pour se prononcer la clôture des vendanges, fin octobre, quand le cabernet, cépage qui n'est pas encore arrivé à pleine maturité, sera récolté.

Cependant, c'est à l'unisson que la profession viticole parle de «miracle» tant cette période cruciale d'avant vendanges était mal engagée et que le raisin a besoin de soleil avant d'être ramassé.

«Au mois d'août, on était au fond du seau, on avait le moral dans les chaussettes», explique un consultant de propriétés viticoles, Olivier Dauga. «On a eu un mois de juillet relativement froid qui a battu certains records, puis un mois d'août pluvieux. Mais heureusement est arrivé ce mois de septembre vraiment extraordinaire d'intensité lumineuse, de chaleur, qui ont permis non pas de rattraper, mais faire que le raisin puisse avoir une maturité optimum. Ces quatre dernières semaines ont changé la donne», s'enthousiasme-t-il.

«C'est un millésime inespéré», souffle le directeur de Château Fieuzal, grand cru classé de Graves de 80 hectares, Stephen Carrier. «On ne pensait pas amener cette récolte aussi loin, mais avec ce mois de septembre fantastique, les merlots sont sauvés, l'état sanitaire est parfait. Il n'y a quasiment pas de tri dans la vigne, tout ce qu'on coupe on le rentre, c'est un signe», dit-il ravi.

Pour optimiser la qualité du ramassage, le Château Fieuzal a installé à l'entrée de ses chais quatre tables de tri avec deux trieurs par table. Mais l'état sanitaire du raisin étant si uniforme et les machines à séparer la rafle du grain de raisin si performantes que la paire de mains par table n'a que très peu de feuilles ou morceaux de tiges à écarter. Et dans les cuves sont délicatement déposées de belles billes rondes gorgées de jus.

Vendanges sans pression

Ces vendanges sans pression, «pour l'instant», souligne Stéphane Carrier, «c'est pas tous les ans, c'est deux à trois fois tous les 10 ans», dit-il, se félicitant «d'avoir le temps de récolter ce qu'on veut récolter, de choisir les parcelles que l'on veut récolter, de s'arrêter quand on veut s'arrêter».

Autre mérite de ce millésime 2014 en Bordelais, la quantité de raisin qui sera disponible à la vente après la catastrophique année 2013 où les conséquences des aléas climatiques (grêle, coulure et millerandage) ont fortement influé sur les quantités récoltées. «On n'était pas en rupture de disponibilité, mais si on n'avait pas eu un bon 2014, on aurait sûrement eu des difficultés à approvisionner nos marchés»,  note Allan Sichel, négociant et vice-président du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB).

«Ce millésime avec du volume, c'est idéal», ajoute-t-il. «Cela nous permettra de constituer des réserves pour l'avenir afin de lisser l'offre et la demande et ne pas créer de la tension sur les cours».

Si la quantité de récolte semble acquise, reste désormais à estimer la future qualité de ce 2014. «Les raisins que l'on rentre sont magnifiques, les merlots sont dans des équilibres parfaits, entre mesure alcoolique et acidité», indique Stéphane Carrier, qui ne souhaite cependant pas «préjuger de la qualité du 2014» avant que tous les raisins ne soient mis en cuve et que la fermentation alcoolique ne démarre.

«Sans que cela soit le millésime fabuleux du siècle, c'est un millésime miraculé qui fait que l'on va avoir du bon vin. Il faut attendre encore un peu pour savoir exactement ce qu'il va donner, mais ça va être un millésime dit classique avec une belle constitution, de la couleur, et à ne pas boire avant cinq ans», dit le consultant Olivier Dauga. Seule certitude, selon lui, «2014 fera partie des beaux patrimoines de Bordeaux, ça c'est sûr».