Les effets de la politique «anti bling bling» et anti corruption des autorités chinoises se font durement ressentir pour les vins et spiritueux français, dont les exportations accusent un recul de plus de 7% au premier semestre.

Alors que l'Empire du milieu s'est hissé en moins de dix ans au 5e rang des meilleurs clients étrangers, ses achats, plutôt dans le haut de gamme, ont brusquement fondu sur les six premiers mois de 2014:  -9% en volume, mais près d'un tiers (-28%) en valeur, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS).

«C'est clairement la lutte contre les extravagances décidées début 2013 qui a impacté les produits à plus forte valeur ajoutée comme les grands cognacs et les vins de Bordeaux» a expliqué mardi à l'AFP Pierre Genest, directeur général adjoint de la Fédération.

«La décision chinoise nous pénalise d'autant plus que, soudaine, elle n'a pu être anticipée et qu'elle cible les produits les mieux valorisés», poursuit-il.

Au premier semestre, les exportations de vins et spiritueux ont atteint 4,8 milliards d'euros, en baisse de -7,3% par rapport à 2013. Les spiritueux seuls ont totalisé 1,5 milliard. Le cognac, qui constitue les deux tiers du chiffre d'affaires dans cette catégorie, a reculé de 12% (en valeur).

Les exportations de vins ont baissé plus modérément en volume (-3,5%), avec 68,2 millions de caisses, mais représentent une perte de 7% en valeur (3,3 milliards). Car si le champagne poursuit sa progression à l'export (+6%), les bordeaux ont encaissé un recul de 28%, en particulier sur le marché chinois.

La Chine est-elle seule responsable, alors que la région Asie progresse en Corée du Sud ou en Malaisie? Dans la pratique oui, car le Royaume-Uni, second marché à l'export derrière les États-Unis, est en baisse de 20%. Or ce pays sert notamment de plateforme à la réexportation vers... la Chine, note la FEVS.

Viser la classe moyenne

Et malgré des achats dynamiques en Europe du Nord (Norvège +11% et Suède +7%) et même en Italie ou en Espagne (+8 et 4%), aucune autre région du monde ne compense les pertes chinoises, qui ont déjà lourdement affecté les comptes des grands groupes de spiritueux tels Rémy Cointreau.

Le marché chinois a connu une croissance exceptionnelle de 168% entre 2009 et 2014, rappelle Pierre Geneste, passé du 20e rang il y a 10 ans au 10e il y a 5 ans. Et 5e aujourd'hui.

«Derrière les consommateurs de cognac et de grands bordeaux, on a toute une classe moyenne qui découvre le vin et monte en gamme. Mais encore faut-il que les opérateurs soient en capacité de répondre, avec moins de grands crus, mais de la qualité».

Tout l'enjeu des prochaines années, estime-t-il, sera de produire à des prix compétitifs pour résister à la concurrence du Nouveau Monde et même des voisins italiens et espagnols.

«Le marché chinois est un gros gâteau qui attire beaucoup de monde! Les vins français bénéficient d'une belle image, mais il ne suffit pas d'avoir marqué ''France'' si la qualité ou le prix n'y est pas: l'image est importante, parfois nécessaire, mais elle ne suffit pas».

En 2013, les étiquettes françaises ont bien défendu leur place avec 200 millions de caisses écoulées (vins et spiritueux) et plus de 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires (aux deux tiers en cognac, champagne et bordeaux), ce qui faisait toujours le meilleur poste d'exportation après Airbus.

Mais faute de récoltes suffisantes, les prix ont grimpé: entre 2010 et 2013, la France a vendu 10% de moins en volume et 30% de plus en valeur.

Deux années de courtes vendanges, en 2012 et 2013, ont conduit à vider les stocks: l'an dernier, la France n'a récolté que 42 millions d'hectolitres sur les 280 millions vendangés dans le monde, devancée par l'Italie (44,9 M hl) et l'Espagne (44,7 M hl).

Heureusement, les vendanges cette année s'annoncent nettement meilleures avec une prévision de 45,4 M hl, si la météo ne joue pas un ultime mauvais tour.