La polémique sur les sites internet en .vin et .wine a rebondi jeudi, la France estimant que l'Icann, régulateur mondial de la Toile, n'est «plus l'enceinte adéquate pour discuter» de sa gouvernance, après avoir échoué à faire suspendre l'attribution contestée de ces adresses.

Ces noms de domaine font l'objet depuis plus d'un an d'un bras de fer opposant l'Icann à plusieurs pays européens et aux vignerons qui craignent des tricheries: les prétendants aux .vin et .wine, qui n'ont aucun lien avec le vin, ne sont pas tenus de garantir une protection particulière pour les indications géographiques (telles Bordeaux, Champagne, voire même le Napa de Californie).

Après plusieurs recours tous rejetés par l'Icann, la secrétaire d'État française au Numérique, Axelle Lemaire, avait redemandé la suspension du processus d'attribution de ces adresses internet lors de la réunion internationale du régulateur à Londres (22-26 juin).

Jeudi, dans son communiqué final, le GAC, organe consultatif de l'Icann au sein duquel les gouvernements sont représentés, fait état de «discussions sur le problème» .vin/.wine lors de la réunion londonienne, mais indique qu'«aucun accord n'a été trouvé en raison de la nature sensible du sujet».

«Certains (pays) membres ont exprimé leurs préoccupations concernant la transparence et la politique de l'Icann. Ces préoccupations ne sont pas partagées par tous les membres», selon ce texte.

Dans la foulée, la délégation française a «déploré l'absence d'accord pour suspendre la procédure de délégation des domaines internet .vin et .wine, au terme de plus d'un an de négociations au sein de l'Icann», dans un communiqué publié par Bercy.

«Les procédures actuelles de l'Icann mettent en lumière son incapacité à prendre en compte les préoccupations légitimes des États et à garantir une gestion commune des ressources dans le sens du respect de la diversité culturelle et de l'équilibre des intérêts dans les secteurs économiques que ses décisions affectent», a vivement dénoncé la France.

Pour les autorités françaises, «l'Icann n'est pas aujourd'hui en mesure de garantir l'indispensable égalité de traitement entre les parties prenantes», et il «n'est plus aujourd'hui l'enceinte adéquate pour discuter de la gouvernance de l'internet», considèrent-elles, sans pour autant formaliser la menace de ne plus siéger à l'Icann.

Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, souhaite lui voir avec ses homologues européens «comment on s'organise face à cette gouvernance qui ne convient pas du tout».

«Je me demande si tout le monde a pris conscience que derrière le .vin, il y a d'autres enjeux et des appellations partout en Europe qui peuvent être touchées bien au-delà de la viticulture», a-t-il expliqué à l'AFP.

Les vignerons déterminés 

Si l'Icann est une société de droit californien, donc sous tutelle américaine, ses décisions - principalement l'attribution des noms de domaine - s'imposent cependant au niveau mondial depuis des années. La question de la gouvernance technique de l'internet devenant de plus en plus stratégique, de nombreux pays exigent une gouvernance moins opaque et plus participative de l'organisation, voire même son placement sous l'égide de l'ONU.

En mars, les États-Unis ont fini par ouvrir la porte à un passage de relais à une «communauté internationale» pour la gouvernance de l'Icann, en vue d'une transition vers un nouveau statut en 2015.

Dans une interview à l'AFP lundi, Axelle Lemaire avait indiqué que si l'Icann ne suspendait pas le processus d'attribution des .vin et .wine, «la France ne verrait plus l'intérêt de s'engager» dans ce processus de réforme, «alors même que l'Icann a fait la preuve de son incapacité à se réformer».

Elle avait proposé à l'Icann d'attendre que le contentieux de fond sur les appellations d'origine entre l'Europe et les États-Unis soit tranché au niveau d'instances globales, comme l'OMC, ou dans le cadre des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique.

Jeudi, la Confédération nationale des producteurs de vins et d'eaux de vie de vin à appellations d'origine contrôlées (Cnaoc) et son homologue au niveau européen Efow, ont aussi déploré le fait que la demande française «reste lettre morte».

La profession se dit cependant «encore plus déterminée» et confirme son appel au boycottage des futurs sites internet. Elle indique également qu'elle va élargir son mouvement à d'autres secteurs, comme les producteurs de café qui s'inquiètent du .coffee par exemple.