Plusieurs milliers de dégustateurs venus du monde entier et réunis durant la semaine des primeurs des vins de Bordeaux depuis lundi ont exprimé leur «agréable surprise» quant à la qualité du millésime 2013, pourtant élevé dans des conditions climatiques difficiles et qui se révèle très disparate.

Le résultat sera très inégal, parfois simplement bon, parfois peu réussi. Mais, à Bordeaux, toute la filière marchande, du producteur au négociant, tente de sauver les apparences de ce millésime 2013 qui a connu parmi les pires conditions climatiques lors de son évolution, avec une floraison contrariée et une attaque de botrytis (pourriture) avant les vendanges lors d'un automne pluvieux.

«Ce n'est certes pas un grand millésime, mais c'est un millésime de plaisir», assure l'oenologue-viticulteur Michel Rolland, qui conseille quelque 200 propriétés dans le Bordelais et plusieurs dizaines dans le monde. «La grande leçon de 2013, dit-il, c'est que les vins sont plutôt corrects pour un millésime de cette qualité. Et je suis sûr que d'ici trois ou cinq ans, comme on l'avait fait pour les 2002 ou les 2007, on dira: tiens c'est surprenant les 2013, car il y a quand même de très bons vins».

Selon Michel Rolland, les raisons de cet optimisme résident dans «les configurations techniques qui n'existaient pas avant». «Le dernier millésime aussi compliqué c'était en 1992. Mais, à cette époque, on se savait pas effeuiller le vignoble, on ne savait pas trop faire les vendanges vertes, on ne savait pas trier, on ne savait pas faire des dichotomies à l'intérieur d'une parcelle pour ramasser des raisins mûrs et les vinifier séparément», a-t-il expliqué. «On n'avait simplement pas les réponses aux questions que nous posait la nature. Or, cette année, on s'est aperçu qu'on les avait et on a fait des vins largement plus qu'honnêtes», a-t-il estimé.

Michael Fillion, négociant pour la société bordelaise Yourwine, qui déguste durant cette semaine quelque 700 vins en primeur, s'est déclaré «agréablement surpris de la qualité, même si ce millésime a un potentiel de garde inférieur à celui de ses prédécesseurs. Nous sommes sur un objectif de consommation spontanée, qui correspond à la tendance de ne pas laisser les vins vieillir pendant 10 ans», a-t-il remarqué.

«Les millésimes intermédiaires c'est une très bonne chose. Les 2009 et 2010 si on veut les boire bons, il faut attendre 15 ou 20 ans», a également estimé Michel Rolland.

2013, année des liquoreux

Les louanges se font en revanche grandes en ce qui concerne les vins liquoreux, lesquels doivent leur particularité à l'exposition précoce à la pourriture, ici qualifiée de noble, du botrytis.

«C'est un millésime très pur avec une belle acidité et de la fraîcheur avec des notes aromatiques florales», s'est enthousiasmé Michel Garat, président de la commission promotion des Sweet Bordeaux, organisme regroupant les 11 appellations de vins liquoreux . «Il faut dire haut et fort que 2013 est une année de liquoreux», a-t-il clamé.

Une appréciation partagée par les dégustateurs du prestigieux Sauternes Chäteau d'Yquem, qui donnait à comparer 2013 en primeur avec le millésime 2003, une comparaison dont le jeune vin s'est tiré «avec plus que les honneurs», a souligné l'universitaire-oenologue Denis Dubourdieu, surnommé «le pape du blanc», relevant que «2013 avait en lui les capacités du rebond, signe d'un grand vin».

Les blancs secs bordelais ont également tiré leur épingle du jeu grâce à la maturité précoce des cépages Sauvignon blanc. «On a pu attendre une belle maturité et récolter avant que l'acidité ne chute. Les 2013 ont une belle puissance et une belle chair», s'est félicité Jean-Jacques Bonnie, co-gérant des vignobles Malartic-Lagravière, grand cru classé de Pessac-Léognan.

Toutefois, le bémol généralisé de ce 2013 est la faible quantité de vin produit. «Il y a eu une telle volonté de bien faire qu'il y a des volumes réduits», a relevé Michel Rolland. La production de Bordeaux en 2013 a été de 30% inférieure à 2012, année déjà de faible volume.