Un vigneron de Côte-d'Or comparaît lundi devant le tribunal de Dijon pour avoir refusé de traiter ses ceps contre une grave maladie, la flavescence dorée, cette affaire divisant militants écologistes et profession viticole.

Après la découverte de foyers près de Beaune, le préfet a imposé en juin 2013 de traiter tous les vignobles du département contre la cicadelle, l'insecte qui répand la maladie.

Viticulteur en biodynamie, Emmanuel Giboulot s'y est refusé sur les dix hectares qu'il exploite en Côte de Beaune et Haute-Côte de Nuits. Même à la pyréthrine, pesticide naturel. Pour lui, tous les traitements vont à l'encontre des «équilibres biologiques», principe fondamental de la biodynamie qu'il applique depuis les années 1970.

Après un contrôle en juillet de la direction régionale de l'Agriculture, M. Giboulot a été convoqué devant la justice. Il encourt six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

S'appuyant sur la «réglementation européenne et nationale», le chef du service régional de l'alimentation, Olivier Lapôtre, assure que «pour que le traitement soit efficace, il faut que les vignes aient été traitées par tous».

«C'est une maladie mortelle et très contagieuse, c'est pour cette raison que ces mesures sont obligatoires (...) Nos craintes étaient fondées, puisque des cas ont été trouvés à quelques kilomètres de Beaune», souligne-t-il.

Selon la préfecture de Bourgogne, «une seule parcelle de 0,20 ha a été fortement touchée» par la flavescence dorée en 2013 et devait être arrachée, contre 11,3 ha en 2012.

Urgence à agir?

Pour l'avocat du vigneron, Benoist Busson, le préfet n'était pas compétent à agir, «seul le ministre» l'étant, en l'absence d'urgence motivée dans son arrêté.

Me Busson estime même que le préfet a fait du zèle, rappelant qu'en 2003, le ministère avait pris un arrêté contre la flavescence dorée limitant géographiquement l'action à mener en cas de maladie. Ce texte, revu récemment, précise que lorsqu'un cep est contaminé sur une parcelle, le périmètre de lutte inclut la commune où elle se trouve et éventuellement ses voisines, «mais pas tout le département», pointe l'avocat.

Un important foyer de la maladie, qui touche tous les vignobles européens, avait été découvert fin 2011 dans le nord Mâconnais, en Saône-et-Loire.

Selon Denis Thiéry, directeur de recherche à l'Institut national de recherche agronomique de Bordeaux, l'épidémie de flavescence dorée, apparue en France en 1949 en Armagnac (sud-ouest), «explose depuis une dizaine d'années».

«Presque tout le vignoble français est touché hormis le Jura, la Champagne et l'Alsace», précise ce spécialiste, pour qui «les plans de lutte doivent être respectés»: sinon, «c'est comme refuser de se vacciner quand c'est obligatoire».

Pétitions et «contre-vérités»

«La liberté de choix, en l'absence de menace sanitaire avérée, devrait être de mise», rétorque Sandrine Bélier, députée européenne EELV du Grand Est, qui voit dans l'assignation du vigneron une «absurdité».

Le parti écologiste fait partie d'un comité de soutien - où figurent aussi le NPA, Greenpeace et Attac - qui réclame l'arrêt des poursuites judiciaires envers tous les viticulteurs «engagés dans une procédure alternative».

Un rassemblement est prévu lundi devant le tribunal et des pétitions de soutien circulent sur internet.

L'interprofession du vin en Bourgogne dénonce de son côté des «contre-vérités» véhiculées autour du cas, isolé, de M. Giboulot, dont elle refuse de faire un martyre du bio car «il n'est pas l'unique défenseur de la nature en Bourgogne».

En cause notamment, une vidéo lancée par l'Institut pour la protection de la santé naturelle, une association basée à Bruxelles, qui promeut des «solutions alternatives» pour lutter contre la flavescence dorée et la cicadelle.

«Dire qu'il suffit de mettre des pièges orange et un peu d'argile, ce n'est pas vrai (...) Si l'on constate, par une analyse fine comme nous l'avons fait, qu'il n'y pas d'autre choix, il faut traiter», plaide Pascal Lambert, directeur du service d'écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne.

«Non, la Bourgogne ne pollue pas» en traitant ses vignes, insiste Claude Chevalier, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, pour qui le message véhiculé par l'affaire «n'est pas bon» pour la filière.