Photos, bouchons et fausses étiquettes à l'appui, les jurés au procès de Rudy Kurniawan, un expert en vins jugé à New York pour contrefaçon de grands crus français, ont été invités mardi à une plongée saisissante dans son laboratoire californien.

Dans sa maison d'Arcadia, où il vivait seul avec sa mère chinoise, l'entrée était pleine de caisses et cartons de vins, certaines piles grimpant jusqu'au plafond, selon des photos montrées sur grand écran au tribunal fédéral de Manhattan.

La cuisine de celui qui était encore considéré en 2007 comme «l'un des cinq plus grands collectionneurs de vins au monde» avait été transformée en officine de contrefaçon, emplie de bouteilles à tous les stades de fabrication. Dans l'évier, trois bouteilles immergées, apparemment pour en récupérer les étiquettes. À proximité, une «zone de séchage», selon l'agent du FBI James Wynne ayant procédé à la perquisition, lors de l'arrestation de Rudy Kurniawan le 8 mars 2012.

Sur un tapis roulant normalement destiné à la course à pied, une cinquantaine de bouteillles déjà fermées attendaient d'être étiquetées. Sur le plan de travail, des bouteilles ouvertes, toutes différentes, probablement testées pour des mélanges. Et dans les tiroirs, des bouchons anciens, des capsules, mais surtout des centaines d'étiquettes neuves de grands crus français, Château Lafleur 1949, Château Petrus 1920 ou 1947, Romanée Conti, ou encore Clos de la Roche Domaine Ponsot daté de 1929.

Kurniawan, né en Indonésie et qui vivait illégalement aux États-Unis depuis 2003, conservait aussi une sélection impressionnante de tampons des grands domaines français, montrés à l'audience.

L'accusé, 37 ans, visage enfantin et silhouette frêle, a écouté impassible, parlant même rarement avec ses avocats.

Des contrefaçons très lucratives

Trente-quatre bouteilles contrefaites qu'il avait mises aux enchères en 2006, dont des magnums et même un matusalem (bouteille de 6 litres) de Romanée Conti de 1971, ont aussi été exposées, pour expliquer en quelques chiffres aux jurés cet univers des grands crus français, dont la contrefaçon est extrêmement lucrative. Le matusalem avait ainsi été adjugé pour 85 000 dollars. Un lot de six fausses bouteilles de Bourgogne Roumier, datées de 1923, avait atteint 95 000 dollars.

La défense, qui avait lundi insisté sur la volonté de Kurniawan de «trouver sa place» dans le petit monde des collectionneurs de grands vins, tous plus riches et plus âgés que lui, a également invité les jurés dans cet univers.

Lors des deux enchères de vins Kurniawan organisées en 2006 à New York, un amateur avait acheté pour environ 1,6 million de dollars de vins, a souligné l'avocat Jerome Mooney. Un autre collectionneur réputé, le millionnaire Bill Koch, avait dépensé 1,42 million de dollars pour 170 bouteilles.