Que les amateurs de vin se rassurent, les professionnels n'ont aucune inquiétude pour la production mondiale, en hausse en 2013 malgré le recul des superficies de vignobles et les sombres prédictions de Morgan Stanley.

Selon l'Organisation internationale du vin (OIV), contredisant les craintes émises mercredi par les banquiers new-yorkais sur une possible pénurie et une hausse des prix, la production viticole augmente partout chez les principaux producteurs et atteindra 281 millions d'hectolitres (Mhl) cette année contre 258 en 2012.

De l'Europe du Sud (dont la France, +7% à 44 Mhl) aux États-Unis, au Chili ou à la Nouvelle-Zélande, l'optimisme est de mise malgré un recul constant des surfaces de vignes: 300 000 ha perdues depuis 2006 et encore 15 000 ha rien que sur l'année, en particulier chez des producteurs historiques comme l'Espagne et l'Italie, selon l'OIV.

Mais grâce au ciel et aux progrès, l'essentiel est sauvé, remarque le directeur général de l'OIV cité dans la note annuelle de son organisme, Federico Castellucci: «la récolte en 2013 a été assez importante, grâce à une productivité qui continue à progresser et malgré le coup d'arrêt que les conditions climatiques adverses avaient provoqué en 2012».

L'étude de Morgan Stanley envisage une «pénurie» de vin rouge l'an prochain en avançant les récoltes particulièrement basses de 2012, année de qualité, mais très serrée en volumes.

Or en 2013, selon les données et estimations de l'OIV disponibles fin octobre, dans l'Union Européenne «le niveau vinicole (164 Mhl) peut être qualifié de relativement élevé» et les prévisions des principaux pays envisagent une hausse parfois «très significative»: +23% en Espagne (plus de 40 Mhl), +7% au Portugal comme en France, jusqu'à + 79% avec un redressement spectaculaire en Roumanie par rapport à 2012.

Hors UE, tous les clignotants sont également au vert: aux États-Unis (22 Mhl) et surtout au Chili qui «atteint un nouveau record à 12,8 Mhl» selon l'OIV et l'Argentine avec un bond de 27% (à 15 Mhl).

La Nouvelle-Zélande enregistre aussi une production record de 2,5 Mhl et l'Australie pourrait atteindre une production estimée à 13,5 Mhl.

«Pourquoi cette étude arrive-t-elle aujourd'hui?» s'interrogeait jeudi Stéphane Héraud, vice-président de la fédération des caves coopératives d'Aquitaine. «La tendance de la baisse de la production mondiale est lancée depuis une dizaine d'années maintenant».

«La consommation qui baissait au niveau mondial depuis des décennies, a, depuis cinq à six ans arrêté de décroître et même repris son augmentation sur la Chine et les USA. Mais de là à parler de pénurie, c'est peut-être beaucoup».

M. Héraud consent cependant un possible «déséquilibre» dû à un manque d'offre du millésime 2012 et une montée ponctuelle des prix.

Par exemple en Bordeaux, «cela peut entrainer une surchauffe sur les prix avec une rétention du produit par les producteurs, et derrière ça entraîne une catastrophe en terme de perte de part de marché, car on est décalé par rapport à la concurrence».

À chaque petite récolte de Bordeaux note-t-il, «en 84, 91 et 2003, chaque fois il y a eu spéculation et montée des prix, de 40 à 50 %. Mais à la campagne suivante, on a reperdu ce qu'on a pu gagner. Les à-coups ne sont jamais bons pour la filière».

Pierre Genest, directeur général adjoint de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux en France (FEVS) juge aussi que parler de «pénurie» est un peu fort: «Si on regarde 2013, confie-t-il, on retrouve une courbe où le niveau de production est supérieur à la consommation» alors que depuis 2007, le solde production moins consommation était négatif.

«La taille du vignoble européen baisse, mais dans le reste du monde elle augmente. Et si les surfaces diminuent, on peut penser que les évolutions technologiques vont permettre d'augmenter les rendements, ce qui compensera».

Pour l'OIV, la consommation tend à se stabiliser cette année - même si les principales données se concentrent habituellement sur les trois derniers mois de l'année. Pour rappel, elle atteignait 243 Mhl en 2012.