Si le gouvernement et la Société des alcools du Québec (SAQ) n'accordent pas rapidement plus de visibilité et de soutien aux produits viticoles québécois, le président de l'Association des vignerons du Québec promet que ses membres manifesteront bruyamment leur mécontement.

«Si la négociation ne marche pas, il va falloir se faire entendre par des coups d'éclat», confie Charles-Henri de Coussergues, président de l'Association et propriétaires du vignoble de l'Orpailleur, à Dunham.

Il évoque entre autres la possibilité de vendre illégalement des produits viticoles en plein coeur de grandes villes de la province, avec l'espoir d'attirer l'attention sur leurs revendications.

«On pourrait aller vendre nos vins sur des places publiques en plein centre-ville de Montréal. On nous saisira. On provoquera le système. Je n'ai jamais voulu en arriver là, mais si les élus ne trouvent pas des solutions, on va trouver des moyens de se faire entendre», a-t-il révélé lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.

Il estime qu'il n'est pas normal qu'en 2013, la consommation de vin québécois stagne toujours autour de 1% dans la province. Une situation qu'il attribue entre autres à un manque de visibilité des produits de la vigne d'ici, mais aussi à un manque de dynamisme de la part des décideurs. Chez nos voisins ontariens, les produits viticoles de l'Ontario occupent 40% du marché.

M.de Coussergues n'en revient pas de toujours voir des produits français être mis en valeur lors de réception gouvernementale, au lieu de proposer des produits d'ici aux convives. Les vins québécois ne sont pas assez visibles à la Société des alcools du Québec et devraient pouvoir être vendus dans les supermarchés, ajoute-t-il. «Nous devons devenir plus chaud-vin», lance le vigneron.

Les changements apportés par la SAQ au cours des derniers mois en ce qui a trait à l'emplacement des vins d'ici, ne satisfont pas l'Association des vignerons. M. de Coussergues estime que la SAQ est «l'un des plus beaux réseaux de commercialisation au monde», mais que le Québec n'est toujours pas assez à l'honneur.

Les vignerons québécois doivent aussi se battre à arme inégale avec ceux d'ailleurs dans le monde, selon lui. «Nous avons des vins étrangers qui arrivent ici subventionnés par leur pays d'origine, qui sont fortement et aidés dans leur promotion. Nous ne voulons pas être une industrie subventionnée, mais nous considérons qu'il est inéquitable d'être en face de ces bouteilles-là. Nous demandons que les vins québécois payent moins de majoration que les vins étrangers», explique-t-il.

D'autres rencontres sont prévues cet automne entre les vignerons et les représentants du gouvernement dans ce dossier. La conclusion d'une entente est difficile, selon l'Association, en raison du nombre d'intervenants impliqués. Outre les vignerons, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministère des Finances et de l'Économie, le ministère de la Sécurité publique et la Société des alcools du Québec se retrouvent tous autour de la table.

Le gouvernement Marois se fait pour l'instant silencieux en ce qui a trait aux demandes des acteurs de l'industrie viticole de la province. «Il y a des choses sur le feu, mais il est trop tôt pour en parler. Ça pourrait débloquer non pas dans quelques mois, mais plutôt quelques semaines», s'est contenté d'affirmer au cours des derniers jours, Maxime Couture, attaché de presse de François Gendron, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Du côté de la SAQ, il semble que les changements effectués au cours des derniers mois satisfont la direction. «Nous avons travaillé avec les producteurs pour leur donner une belle visibilité. Plutôt qu'être dans la section du terroir, les vins du Québec ont leur propre section. Il y a dix ans, les produits québécois constituaient 130 000$ de vente, aujourd'hui, c'est plutôt 4,5 millions de dollars», affirme Renaud Dugas, porte-parole de la société d'État.

Il affirme que les vins québécois sont de bonne qualité, mais pour qu'une industrie viticole se développe, il faut aussi des quantités suffisantes. «Si un consommateur découvre un vin, l'aime beaucoup et revient la semaine suivante et il n'est pas là, ça ne marche pas. Il y a une visibilité accrue des produits québécois dans 250 succursales sur 400, car les vignerons n'ont pas des volumes suffisants pour pouvoir être présents partout et on ne veut pas des tablettes vides», ajoute M. Dugas.

Les vignobles québécois seraient-ils réellement capables de fournir en quantité suffisante les supermarchés de la province?

Pierre Genesse, propriétaire du Domaine Vitis, estime qu'il ne faut pas s'inquiéter de la capacité de production de l'industrie viticole québécoise. Si une politique favorable aux vins québécois voit le jour, la demande augmentera et les vignobles seront en mesure de produire davantage.

«Si l'équation était intéressante, on pourrait prévoir une plantation en conséquence et on investirait plus, plus rapidement. On pourrait planifier l'avenir. Là, c'est un développement à vitesse modérée», dit le vigneron d'expérience.