Une centaine de journalistes et des milliers d'acheteurs de partout dans le monde étaient de passage à Bordeaux, cette semaine, pour juger les vins de la vendange 2012. Premier constat: ce n'est pas un grand millésime. Les spécialistes jugent cependant que les rouges de la rive droite sont mieux réussis que ceux du Médoc.

L'oenologue Denis Dubourdieu attribue le succès des rouges de la rive droite, Saint-Émilion et Pomerol, au cépage merlot. Cette variété est plantée sur des sols plus argileux, explique-t-il. Elle a donc moins souffert de la sécheresse du mois d'août. De plus, ces raisins arrivent à maturité plus rapidement que ceux de cabernet sauvignon. Les vignerons ont ainsi pu les récolter avant les pluies qui ont marqué le mois d'octobre.

«Le cabernet sauvignon ne joue pas le rôle dominant qu'on lui connaît dans les vins de cette année, précise Denis Dubourdieu. D'une part, parce que le merlot était bon. Mais aussi parce que les cabernets sauvignons avaient parfois des notes végétales qu'on ne souhaite pas dans les assemblages.»

Les vins de la rive gauche sont renommés pour leur structure et leur corps apportés par le cabernet sauvignon, tandis que ceux de la rive droite possèdent souvent l'élégance et les notes fruitées typiques des vins de merlot. Or cette année, on trouve beaucoup plus de merlot dans les vins de la rive gauche, à Margaux par exemple, qu'à l'habitude.

Conséquence, l'oenologue bordelais Stéphane Derenoncourt observe que certains vins «sont vides et manquent de matière cette année». Il juge ceux du Médoc très hétérogènes.

«Dans le Médoc, la pourriture s'est installée à la fin du mois d'octobre, dit-il. Il fallait donc avoir vendangé. Mais tous les cabernets sauvignons n'étaient pas prêts. C'était compliqué.»

Les deux spécialistes s'entendent pour dire que Pomerol est l'appellation la mieux réussie en 2012. Les vins produits sur les terroirs calcaires de Saint-Émilion et certaines cuvées de Pessac-Léognan valent aussi le coup, ajoute M. Derenoncourt.

Si les Bordelais ont eu de la difficulté avec leurs rouges en 2012, le climat a été plus propice pour les blancs secs. Les nuits fraîches de septembre ont permis de conserver la fraîcheur et les arômes des fruits. Elles ont aussi ralenti le développement de la pourriture. Les vignerons ont ainsi moins trié les raisins.

«C'est un millésime frais, juge Stéphane Derenoncourt. Ça donne de la tension aux blancs. J'aime bien!»

Le constat est toutefois moins favorable pour les blancs sucrés, en particulier les sauternes. La vendange a été si complexe que plusieurs châteaux ont jugé la qualité du millésime insuffisante pour produire une cuvée, notamment le légendaire Château d'Yquem.

Forte demande pour des prix à la baisse

Cette année étant jugée moins réussie, plusieurs spécialistes s'attendent à une baisse de prix considérable des vins de Bordeaux. C'est le cas du gourou Robert Parker qui s'est prononcé sur Twitter après sa dégustation, le 28 mars.

La société d'État responsable de la vente des vins en Ontario, la Liquor Control Board of Ontario (LCBO), a écrit sur son site internet: «Le marché ne saurait tolérer des augmentations de prix cette année, mais aussi leurs prix étaient trop élevés l'an dernier, et c'est pour cette raison que nous n'avons pas acheté leurs vins.»

Il faudra toutefois être patient. Les prix des 2012 seront annoncés d'ici le début du mois de juin.