À l'Hôtel Herman, nouveau chouchou de la restauration montréalaise, la carte des vins comporte une curiosité. Après les bulles, les blancs, les rosés, les rouges et les vins doux, voici le «vin orange».

En plus de susciter en ce moment un engouement certain, le vin orange, cet élixir atypique, est le parfait vin d'automne: explosif avec les champignons, étonnant avec un pavé de cerf.

«Les gens sont interpellés, curieux, explique Dominic Goyet, l'un des trois propriétaires de l'Hôtel Herman, un restaurant qui s'est récemment installé dans l'ancienne Montée, boulevard Saint-Laurent. Ils n'ont jamais entendu parler de vin orange. Nous lui avons consacré une petite section sur la carte. C'est l'occasion de donner plus d'explications.»

Le vin orange n'est ni un vin à base d'oranges ni un vin de la principauté d'Orange, bien que les deux existent. En réalité, c'est un vin blanc de macération pelliculaire prolongée. Les moûts de raisins blancs macèrent avec les peaux pendant une période qui peut varier de quelques semaines à plusieurs mois. Les pigments, les composants aromatiques et les tannins des peaux sont alors libérés dans le jus, qui prend une teinte orangée et acquiert du grain, de la texture.

Bref, c'est un peu un vin blanc vinifié comme un rouge. «On le sert à une température d'environ 15 degrés, moins froid qu'un blanc, mais plus frais qu'un rouge, pour ne pas durcir les tannins», explique Theo Diamantis. Son agence d'importation, Oenopole, a été l'une des premières à populariser le vin orange au Québec, avec les nectars des producteurs italiens Radikon, La Stoppa, Cos et Massa Vecchia.

Le nord de l'Italie (région du Frioul-Vénétie Julienne), près de la frontière avec la Slovénie, est le centre de production principal du vin orange. Mais la France, la Croatie et même les États-Unis pratiquent aujourd'hui la macération pelliculaire prolongée sur les blancs. Plusieurs cépages s'y prêtent, comme le malvasia, le ribolla gialla, le pinot gris, le friulano, le sauvignon blanc, mais on a aussi vu du vin orange fait à partir de grenache blanc, d'ugni blanc, de marsanne et même de fragile chardonnay.

À Montréal, les vins orangeapparaissent dans les restaurants et les bars à vin qui ont une préférence pour les petits producteurs. Ne les cherchez pas sur les tablettes de la SAQ. Vous pouvez toutefois les commander en importation privée (voir liste d'agents).

«Les vignerons qui décident aujourd'hui de faire du vin orange sont généralement de petits producteurs audacieux et non conformistes, explique Jack Jacob, sommelier du Comptoir charcuteries et vins et importateur pour l'agence Glou. C'est un vin qui ne se prête pas vraiment aux gros volumes, entre autres parce qu'il pose un défi commercial par sa singularité.»

Marc Frandon, de l'agence Primavin, rappelle que les macérations pelliculaires prolongées étaient, historiquement, un moyen de conserver le vin plus longtemps. «Des cépages blancs comme le malvasia manquent parfois d'acidité. La macération sur les peaux donne une structure tannique, une colonne vertébrale au vin blanc. Mais le problème, c'est que les macérations longues posent plus de risques de déviances dans le vin. Par exemple, on trouvera souvent de l'acidité volatile [NDLR: Ce qui se traduit parfois par un nez de dissolvant]».

Dans le monde très polarisé du vin, les cuvées orange ont d'ailleurs des détracteurs. Ceux-ci trouvent que la macération pelliculaire masque le terroir ou la typicité. C'est un débat, du reste, qui oppose depuis toujours les tenants d'un vin plus «technologique» et «contrôlé» aux vignerons travaillant de manière artisanale.

Ryan Gray, copropriétaire et sommelier du restaurant Nora Gray, vit une grande histoire d'amour avec le vin orange depuis quelques mois. Sa carte en compte plusieurs et il n'a de cesse de découvrir de nouvelles cuvées. «Les vins orange font des accords absolument magiques avec les mets italiens. Puis, disons qu'à table on cherche quelque chose pour s'accorder à la fois avec un poisson, une côte de veau et des pâtes aux champignons, le vin orange sera souvent pour moi la solution miracle. Ça peut même marcher avec les sauces tomate.»

Simple mode, le vin orange? Certes, malgré sa dimension traditionnelle et historique, la macération pelliculaire sur les blancs gagne des adeptes depuis quelques années, tant chez les vignerons que chez les consommateurs à la recherche de vins qui surprennent. L'avenir dira quelle place ce «boire» un peu atypique occupera à terme sur nos cartes des vins et dans nos celliers.

Où boire du vin orange?

Accords, Foodlab, Hôtel Herman, Joe Beef, Lawrence, Le Comptoir charcuteries et vins, Le Filet, Le Petit Alep, Les 3 petits bouchons, Liverpool House, Nora Gray, Pastaga, Pullman, La salle à manger

Où commander du vin orange en importation privée (caisses de 6 ou de 12)?

Glou-mtl.comOenopole.caPrimavin.comSymbiosevins.com, Ward et associés (wardetassocies@gmail.com)Vini-vins.com, Vin libre (vinlibre@videotron.ca)

(Il faut savoir que les quantités sont petites et les arrivages, irréguliers. Il se peut que les stocks soient épuisés. La bonne nouvelle? Il y a de nouveaux millésimes qui débarquent, bon an, mal an!)

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

«Les vins oranges font des accords absolument magnifiques avec les mets italiens», affirme Ryan Gray, copropriétaire et sommelier du restaurant Nora Gray.