Certains vignerons prennent plus de libertés que d'autres lorsque vient le temps d'étiqueter leurs vins. Si cette «créativité» est bien accueillie en France et ailleurs en Europe, le seuil de tolérance est plus bas au Québec. À la SAQ, les étiquettes osées ne se retrouvent pas sur les tablettes. Elles ont parfois même du mal à se retrouver sur les tables de nos restaurants.

C'est le cas des vins de Nicolas Vauthier, qui ont alarmé les travailleurs du laboratoire de la SAQ. Les cuvées 2010 du vigneron de Bourgogne sont «habillées» d'illustrations plutôt humoristiques et rétro d'hommes et de femmes nues ou en maillot de corps. Il y a trois semaines, le représentant québécois de Nicolas Vauthier (l'agence Glou), a reçu un message du service Gestion de la qualité à la SAQ dans lequel on lui demandait de confirmer qu'il ne commercialiserait pas les vins chez les détenteurs de permis sans avoir fait modifier les étiquettes.

Heureusement pour Glou, qui avait une soixantaine de caisses de douze bouteilles en attente dans l'entrepôt, l'épisode s'est bien terminé. Après une conversation téléphonique avec un employé de la SAQ, les vins ont été relâchés, avec une prise de responsabilité totale de la part du représentant. Cela signifie que les bouteilles «défectueuses» (pour cause de contenu ou de contenant) devront être retournées au représentant et non au monopole d'État pour remboursement.

Quelques semaines plus tôt, c'était l'étiquette d'une cuvée de Jean-François Ganevat, nommée «J'en veux», qui a posé problème. L'illustration représente une silhouette féminine en sous-vêtements, main droite dans la culotte. Le représentant, Rézin, a dû faire signer à chacun de ses clients une lettre dans laquelle il affirmait avoir pris connaissance de l'oeuvre controversée qui habille la cuvée et acceptait d'acheter ce vin nature dans son habillage original.

La SAQ suit le Code d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques, adopté par l'assemblée générale des membres d'Éduc'Alcool et mis à jour en octobre 2011. On y énonce des règles de déontologie concernant l'emballage et la communication commerciale des boissons alcooliques. Au point 4 du document de deux pages, on écrit par exemple que «la communication et l'emballage ne doivent en aucune manière être sexistes, associer le produit à une performance sexuelle ni laisser entendre qu'il améliore les prouesses ou l'attirance sexuelle».

«Au laboratoire, on analyse tant le contenu que le contenant du produit, explique Linda Bouchard, agente d'information aux relations de presse de la SAQ. Il arrive que certaines corrections doivent être apportées. C'est aussi vrai pour le taux d'alcool ou un étiquetage en anglais seulement que pour une étiquette jugée trop osée. Lorsqu'un des analystes a des doutes sur une étiquette, il tire la sonnette d'alarme et il y a ensuite consultation auprès d'autres membres de la société.»

Dans le réseau de la SAQ, la vigilance est plus élevée. Mais en importation privée (restaurants ou commandes de particuliers), la SAQ se donne un peu plus de latitude. «On souhaite toujours en arriver à un accord avec le représentant du vigneron, puis on demande que l'étiquette soit changée pour la prochaine livraison», déclare Mme Bouchard.

Cela dit, dans les restaurants, il y a parfois des enfants, et c'est ce qui semble inquiéter la SAQ lorsqu'elle est confrontée à une étiquette à caractère sexuel.

David Ward est sommelier au restaurant et bar à vins nature Pastaga. Il n'a jamais eu de retour de bouteille pour cause d'étiquette choquante. En fait, c'est plutôt l'inverse. «L'étiquette joue beaucoup sur la perception du vin. En importation privée, il y a des étiquettes super originales. Nous vendons beaucoup de vin nature, dont les vignerons sont souvent plus marginaux, avec des mentalités un peu punk et anarchistes. Leurs étiquettes collent à leur personnalité. Je n'ai pas de problème avec ça, tant que ce n'est pas dénigrant. Au restaurant, l'étiquette d'une bouteille aura souvent une influence sur la curiosité des gens assis à la table d'à côté.»