Francis Ford Coppola était de passage à Montréal le week-end dernier, dans le cadre de l'événement sur la créativité C2-MTL. Il en a profité pour présenter les vins de son vignoble Inglenook. Rencontre avec le plus célèbre producteur de vins d'Hollywood.

Francis Ford Coppola n'avait jamais pensé devenir un jour un grand propriétaire viticole. Pourtant, ce maître du cinéma possède des centaines d'hectares de vignes en Californie. Et il produit des dizaines de cuvées, dont les plus récentes seront bientôt en vente au Québec.

Même si des milliers de bouteilles californiennes portent son nom, Francis Ford Coppola ne se décrit pas comme un fin connaisseur. Il apprécie le vin, surtout au repas. Il n'est pas non plus un adepte de vieux millésimes. Le vin lui rappelle plutôt son enfance.

«Mon père avait une très grande famille et il y avait toujours du vin sur la table, raconte-t-il. Et ce, dès le premier souvenir que je peux me rappeler.»

Pendant la prohibition, son grand-père élaborait ses propres cuvées dans son sous-sol à New York. Il achetait des raisins importés de Californie et partageait les bouteilles produites avec ses proches.

«Ça me semblait amusant quand j'étais enfant, dit-il. Il nous expliquait comment il faisait. Et beaucoup plus tard, quand j'ai acheté une maison de campagne, je voulais que mes enfants puissent vivre cette expérience.»

Et c'est ce qu'il a fait en 1975, grâce aux recettes de son film The Godfather. Le cinéaste a acheté une résidence historique dans la vallée de Napa et les hectares de vignes qui l'entouraient. Deux ans plus tard, ses enfants ont participé à la récolte et ce sont eux, pieds nus, qui ont écrasé les raisins.

Cette maison de campagne n'a rien de banal. Elle appartenait à un ancien capitaine, Gustave Niebaum, qui s'était fait connaître pour ses vins au XIXe siècle. Francis Coppola ne connaissait rien de cette histoire lorsqu'il a repéré la propriété à l'époque, mais il en cite aujourd'hui chaque détail avec des étincelles plein les yeux.

Le vignoble Inglenook

Gustave Niebaum a fait fortune dans le commerce des fourrures provenant d'Alaska au milieu du XIXe siècle. Comme le raconte Coppola, ce marin connaissait bien le vin. «Il devait bien boire sur les bateaux», dit-il. Installé en Californie, il a acheté plusieurs hectares de vignes dans la vallée de Napa en 1880. Son vignoble s'appelait Inglenook.

Afin d'élaborer de bons vins en Californie, il s'est rendu en France s'y informer des meilleures techniques viticoles et des meilleurs cépages pour sa région. En moins de 10 ans, son domaine est devenu célèbre et ses vins ont remporté des prix aux États-Unis, en Australie ainsi qu'en Europe. Ils ont même été servis à la Maison-Blanche.

Lorsque M. Coppola a acheté la maison, 100 ans plus tard, le vignoble n'existait plus. Il avait été divisé et on avait construit aux côtés des bâtiments historiques de nouveaux établissements. Cette histoire aurait pu lui servir d'inspiration pour l'un de ses films. Il a plutôt choisi d'investir des dizaines de millions de dollars pour réunifier le domaine.

Pour cela, le cinéaste a dû être patient. Il lui a fallu près de 20 ans pour mettre la main sur chaque parcelle de vignes ayant appartenu à Gustave Niebaum. «J'y suis arrivé, et j'en ai même plus que lui», précise-t-il maintenant.

Le réalisateur avait un autre objectif: posséder le nom de cet ancien vignoble. Depuis 1978, les cuvées élaborées sur son domaine sont plutôt nommées Rubicon. Mais cela va bientôt changer, puisqu'il a acquis il y a quelques mois les droits du nom Inglenook. Et il en est fier.

Les vins de Coppola

Francis Ford Coppola possède un autre vignoble, plus touristique, dans la région de Sonoma, en Californie. On y trouve un restaurant, une piscine et un musée où sont exposés des souvenirs de ses films. On y produit également les bouteilles de vin abordables aux étiquettes qui portent son nom.

Mais pas question pour M. Coppola d'associer Inglenook à ce vignoble.

«C'est un peu comme Toyota et Lexus qui sont construits par la même entreprise, explique l'homme d'affaires. Ce sont deux différents types de voitures: Toyota est la voiture la plus populaire et la Lexus, la plus raffinée. J'ai mis mon nom sur le vin le plus populaire, celui où ce serait le plus utile.»

Selon lui, il n'a pas besoin d'ajouter son nom sur ses rouges produits dans la vallée de Napa. L'histoire et la renommée du vignoble suffisent. Le prix des bouteilles peut d'ailleurs monter jusqu'à 200$ l'unité.

Une cuvée à son goût

«On travaille fort depuis quelques années et la cuvée 2011 représente enfin le potentiel des vins d'Inglenook», juge-t-il, en regardant son verre de rouge.

Cette cuvée 2011, c'est le travail de Philippe Bascaules, oenologue au Château Margaux, à Bordeaux, pendant plus de 20 ans. Il a découvert la vallée de Napa il y a un an. Et il est tombé sous le charme d'une bouteille de 1959 élaborée sur la propriété d'Inglenook.

«Quand je l'ai dégusté, j'ai trouvé qu'il y avait dans ce vin une complexité aromatique que l'on ne trouve que dans les grands vins», raconte le spécialiste, qui accompagnait Coppola à Montréal.

Philippe Bascaules élabore la cuvée Rubicon, la plus dispendieuse du domaine, dont le millésime 2008 arrivera au Québec en juillet prochain. C'est un assemblage de cépages bordelais élevé en fût de chêne français.

L'oenologue confie que son travail est bien différent de celui qu'il faisait à Bordeaux, car les conditions climatiques sur la côte californienne sont beaucoup plus chaudes que dans sa région d'origine. Ainsi, le taux d'alcool des cuvées peut facilement grimper jusqu'à 15 degrés. Son défi: garder de la fraîcheur dans ses vins.

Le domaine élabore également une autre cuvée appelée «cask». C'est leur «second vin», un assemblage de cabernet sauvignon et de petit verdot. Il passe 18 mois en fûts de chêne américain et français. C'est un autre oenologue bordelais, le réputé Stéphane Derenoncourt, qui se déplace depuis quatre ans pour vinifier cette cuvée. Elle est offerte au Québec depuis quelques semaines.

Trois vins pour découvrir Francis Ford Coppola

Cabernet-sauvignon cask Rubicon Estate Napa 2008 Code SAQ: 11639467, 74,75$

L'étiquette de cette bouteille n'a rien de banal: elle est faite en bois! Ce matériau est utilisé pour rappeler le fond d'une barrique. Dès le prochain millésime, cependant, la bouteille aurait un habillage conventionnel, avec le nouveau nom et logo du domaine.

Dans le verre, c'est une cuvée dense, remplie de soleil et d'alcool avec 14,8%. Sa robe est foncée et au nez, on sent cet alcool. On trouve aussi avec l'aération des odeurs de piment d'Espelette. C'est très épicé en bouche. Les tannins sont rugueux. On trouve en finale des fruits rouges cuits. À mettre en carafe plusieurs heures avant de servir ou à laisser en cave 10 ans.

Rutherford Rubicon Estate Napa 2008 Code SAQ: 11818721, 192,50$

Impossible de trouver pour l'instant cette bouteille sur les tablettes de la SAQ, car elle ne sera offerte qu'en juillet prochain. En dégustation, on y trouve toutefois une grande finesse. Son nez est plus expressif, on sent les fruits cuits et une touche végétale, sans doute apportée par le cabernet franc. C'est soyeux en bouche et floral. On goûte les fruits cuits en finale. Une bouteille qui n'aura pas de mal à supporter quelques années de cave. C'est un assemblage de 87% de cabernet sauvignon, de 6% de cabernet franc, de 4% de petit verdot et de 3% de merlot. Il faudra être patient avant de pouvoir goûter la cuvée 2011 préparée par M. Bascaules au Québec, puisqu'il lui reste encore une année d'élevage en barriques avant d'être embouteillée. Un échantillon de ce rouge a tout de même fait le voyage jusqu'à Montréal. Le vin possède plus d'acidité, plus d'épices et il est plus complexe. Très prometteur!

Merlot Blue Label Francis Coppola Diamond Collection 2010 Code SAQ: 00541888, 25,75$

Les amateurs du célèbre cinéaste qui ne veulent pas dépenser des fortunes peuvent se tourner vers ses vins élaborés à Sonoma. Son merlot, dans lequel sont ajoutées un peu de syrah et de petite sirah, est réussi. Sa robe est de couleur rubis soutenue, et brillante. Le bois prend beaucoup de place autant au nez qu'en bouche, mais c'est bien intégré. On sent les épices, le cèdre. On goûte la confiture et en finale, le chocolat. C'est assez long et digeste. À déguster avec de l'agneau cuit sur le gril.

Photo fournie par Karel Chladek - C2MTL

La passion du vin de Coppola remonte à son enfance. Son grand-père produisait du vin pour ses proches pendant la prohibition.