La minéralité est un mot à la mode dans le vocabulaire des sommeliers et des chroniqueurs de vin. Pour expliquer ce terme, les critiques parlent d'une odeur de pierre à fusil ou de la sensation en bouche de cailloux mouillés. Mais qu'est-ce que la minéralité?

«Il y a 15 ans, on n'utilisait jamais ce terme», constate le sommelier Jacques Orhon en parlant de la minéralité. Et, selon cet ancien professeur de sommellerie, 7 fois sur 10, il est utilisé à tort par les amateurs.

Le domaine La Chablisienne en Bourgogne a publié un document d'une dizaine de pages sur la minéralité. Car, on assure que l'on peut la détecter dans la plupart de leurs chardonnays. Le directeur général du vignoble, Damien Leclerc, explique toutefois que cette sensation est difficile à décrire.

«Ça reste une notion assez philosophique, dit-il. La minéralité reste la meilleure façon de décrire l'expression de nos terroirs, avec beaucoup de finesse, avec quelque chose de cristallin et de très pur.»

Il croit que la minéralité est étroitement liée au sol où sont plantées les vignes. À Chablis, par exemple, le calcaire est parsemé de petits coquillages laissés lors du retrait de la mer tropicale qui recouvrait le contient il y a 150 millions d'années. Il considère que ce terroir transmet un côté unique aux cuvées de chardonnay de cette région.

Chablis n'est pas la seule région viticole où l'on perçoit de la minéralité dans les vins. Les spécialistes l'identifient en France dans certains blancs de la Loire, de la Champagne et de l'Alsace. On la trouve également dans les rieslings allemands.

La notion de minéralité est plus rarement utilisée pour les rouges. Mais la critique britannique Jancis Robinson l'emploie pour certaines cuvées du Priorat en Espagne, du Roussillon en France ainsi que dans la partie nord du Rhône.

Dans le verre...

Plusieurs experts décrivent la minéralité comme l'odeur de la pierre à fusil, de deux cailloux que l'on frotte ensemble, de la craie, des coquillages ou du goût iodé. Mais selon le chercheur Jordi Ballester-Perez, du Centre des sciences du goût et de l'alimentation à Dijon, cette définition est simplement théorique. Car à l'aveugle, les dégustateurs ne s'entendent pas du tout sur la signification de ce terme.

Dans une étude réalisée par M. Ballester-Perez, 34 experts ont dégusté à l'aveugle 16 vins de chardonnay. Leur tâche consistait à trouver quelles cuvées étaient minérales. Les résultats sont surprenants.

«Ce que l'on obtient, c'est un grand désaccord, conclut-il. Un grand désaccord non pas sur le discours, mais sur la performance, la dégustation.»

Lors de cette étude, certains experts ont identifié la minéralité comme étant le côté floral et fruité du vin. D'autres ont plutôt choisi les cuvées fumées, grillées et avec des odeurs de réduction. Enfin, le dernier groupe a associé les notes de silex, de coquillage, iodé et de réduction aux cuvées minérales.

Dans les vins rouges, il précise que cette notion est souvent décrite par des notes de graphite, de terre ou d'encre.

«Certains professionnels, un petit peu sceptiques, diront: quand vous ne savez pas quoi dire, quand il n'y a pas de fruité, de floral ou de boisé dans le vin, dites que c'est minéral. Ça passe toujours bien! Et personne ne pourra vous contredire», raconte le chercheur.