N'en déplaise aux chroniqueurs de vin québécois, la Société des alcools du Québec (SAQ) réitère sa campagne de promotion axée sur les choix du spécialiste James Suckling. À compter du 2 février prochain, une trentaine de bouteilles afficheront à nouveau les notes de plus de 90 points sur 100 attribuées par le célèbre dégustateur.

Au printemps dernier, la SAQ avait annoncé en grande pompe son partenariat avec l'ancien collaborateur du magazine Wine Spectator, James Suckling. L'américain était alors venu à Montréal pour déguster et pour attribuer des points à une série de cuvées. Le monopole d'État s'était ensuite servi de ces résultats pour mettre sur pied une campagne promotionnelle dans laquelle il publicisait les vins ayant reçu les notes de 90 points ou plus par le chroniqueur.

Cette démarche avait semé la grogne chez les spécialistes vinicoles de la province. Ils accusaient la société d'État de publiciser un chroniqueur américain peu connu des québécois. Plusieurs avaient aussi remis en cause les façons de procéder de Suckling. Certains avaient critiqué sa grille d'évaluation dans laquelle même la couleur des vins leur permet d'obtenir des points.

D'autres, dont le chroniqueur à La Presse Jacques Benoît, avaient jugé l'américain beaucoup trop généreux dans l'attribution de ses résultats. Selon lui, le nombre de cuvées ayant reçues les prestigieux 90 points était trop élevé.

«Je dirais même qu'il y a quelque chose d'indécent là-dedans», dit-il.

Sur les 200 cuvées dégustées l'an dernier par l'expert américain, 134 ont reçu la prestigieuse note de 90 points ou plus. Cette année, James Suckling a dégusté 125 vins, dont 96 ont reçu ses honneurs.

Inflation de bonnes notes

Une étude réalisée par le blogueur Tom Wark révèle une hausse des notes élevées accordées par les critiques américains. On y apprend qu'en 10 ans, la proportion de pinots noirs de la Californie cotés 90 points et plus par le célèbre Robert Parker a presque doublé, passant de 38% à 79%. Les chardonnays et les cabernet-sauvignons ont également subi une hausse similaire.

Le rédacteur en chef du magazine en ligne Vinquébec.com, Marc André Gagnon, a de son côté compilé les données du Wine Spectator. Entre 1986 et 2006, le nombre de vins notés au-delà des prestigieux 90 points est passé de 417 à 4701, soit 10 fois plus qu'auparavant. Selon lui, la SAQ a souhaité s'associer à James Suckling considérant que la majorité des vins choisis seraient encensés par le dégustateur américain.

«Les revues américaines, Wine Spectator et Robert Parker, donnent beaucoup de notes élevées, explique-t-il. Ce qui n'est pas le cas des chroniqueurs québécois qui sont souvent plus sévères et plus critiques.»

Mais la SAQ justifie les notes de son collaborateur américain. Le porte-parole de la société d'État, Renaud Dugas, explique que les cuvées avaient préalablement été sélectionnées et qu'elles étaient appréciées de sa clientèle.

-Le site de James Suckling