Le vignoble de l'Orpailleur célèbre cette année ses 30 ans. Mais le vigneron Charles-Henri de Coussergues ne fait pas que se réjouir. Il accuse la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec (RACJQ) de nuire à l'industrie de la viticulture au Québec. Sa thèse est partagée par l'ancien président de la Régie, Ghislain K-Laflamme.

«Le frein à la viticulture au Québec, ce n'est pas le climat, c'est l'administration. C'est la Régie des alcools qui est notre plus gros problème», lance d'emblée Charles-Henri de Courssergues.

La liste des conflits entre les producteurs de vin et la Régie est longue. M. de Coussergues qui est à la tête de l'Association des vignerons du Québec depuis quatre ans assure être informé d'un nouveau cas chaque mois.

Cette situation n'étonne pas Ghislain K-Laflamme. L'homme qui a dirigé l'organisme d'État pendant 18 ans croit qu'aujourd'hui la RAJCQ va trop loin.

«La Régie actuelle pense qu'elle a un mandat policier, dit-il. Elle a laissé tomber sa mission de développeur social en collaboration avec les ministères.» Il ajoute que les lois n'ont pas changé depuis son départ, mais que les mentalités, oui.

À son entrée en poste en 1980, Ghislain K-Laflamme explique que son mandat était clair. Il devait éviter la contrebande et la contrefaçon. Il ajoute qu'à cette époque, et ce malgré que la viticulture au Québec était presque absente, on lui aurait aussi suggéré de veiller au développement de cette industrie.

Mais ce mandat, aujourd'hui, le chef de service des fabricants à la Régie, Stéphane Buist, le refuse catégoriquement. Son rôle est de délivrer les permis et de s'assurer que les règles soient respectées, dit-il. Il avoue aussi que l'organisme manque de personnel pour délivrer tous les permis dans les délais. Il envoie du coup la responsabilité de favoriser la viticulture au ministère du Développement économique et de l'Industrie (MDEIE).

Dans les ministères contactés, tous se renvoient le dossier. Le MDEIE gère les accords internationaux, mais transfère la responsabilité au ministère de l'Agriculture pour l'aide à la commercialisation. Et personne ne veut répondre aux questions concernant la Régie, puisque l'organisme d'État est sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique.

À qui la faute?

Pour Ghislain K-Laflamme le problème est clair: personne n'a voulu prendre le dossier de la viticulture au Québec il y a 30 ans.

«Personne ne croyait que les vignobles allaient marcher, soutient l'ancien président. Alors personne n'a endossé la responsabilité de leur rendre la vie facile. Je pense que le MAPAQ devrait intervenir dans ce milieu, puisqu'il s'agit d'un produit agricole, pour leur donner les moyens de se réaliser.»

Aujourd'hui, ils sont plus de 90 vignerons partout au Québec. Bien que le climat soit plus doux qu'il y a 30 ans et que les techniques d'agriculture soient plus performantes, Charles-Henri de Coussergues assure que la bataille est loin d'être gagnée.

Il trouve aberrant que ses produits soient taxés et majorés de la même façon que les vins étrangers. En effet, ses bouteilles achetées par la Société des alcools du Québec (SAQ) à 5,60$ sont revendues à 14$.

«Il y a 15 ans, on (le MDEIE) nous disait d'attendre que les accords internationaux soient renégociés pour demander de revoir cette entente, ajoute le vigneron. C'est en ce moment que ça se passe et on nous dit de ne pas faire de bruit parce qu'ils négocient.»

Au MDEIE, on affirme en avoir fait déjà beaucoup pour les vignerons. Et à la SAQ, on explique n'avoir eu aucune indication que les règles concernant les vins québécois seraient changées.

À défaut de favoriser les vins québécois dans le système d'attribution des prix, le MAPAQ a mis en place un système d'aide à la commercialisation. Depuis 2009, les vignerons récupèrent ainsi 18% de la somme des ventes de leurs vins effectuées à la SAQ. Cette aide d'une valeur de 400 000$ par année vient à échéance en 2012. Au bureau du ministre Corbeil, on est incapable de dire si elle sera renouvelée.

«Comment veux-tu emprunter de l'argent à la Banque sans savoir quelle place l'État fera aux vins québécois? Sans savoir si les programmes d'aide seront renouvelés?», colère Charles-Henri de Coussergues.

Selon lui, 30 acres de vignes génèrent 10 emplois permanents au Québec. L'an dernier, une bouteille sur 10 000 vendues à la SAQ était un vin québécois.