Longtemps cantonné au rang de vin mousseux, le crémant et ses sept AOC françaises ont su gagner en qualité et en notoriété grâce à une stratégie de valorisation du produit, comme en Bourgogne, où les vendanges de ce vin pétillant débutaient lundi.

À l'origine, «crémant» désignait un champagne raté, une signification tombée en désuétude lorsque le mot, jugé plus valorisant que l'appellation «mousseux», a été choisi en 1975-1976 par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) pour désigner les vins effervescents d'Alsace, de Loire ou de Bourgogne.

D'ailleurs, l'adage populaire qui dit qu'il «vaut mieux boire un bon crémant qu'un mauvais champagne» a le don d'agacer Olivier Sohler, directeur de la Fédération nationale des crémants.

«Il ne faut plus que l'on nous compare à quelque chose d'autre. Revendiquer une identité propre, c'est le seul gage de succès», explique à l'AFP M. Sohler, également directeur du Syndicat des producteurs de crémant d'Alsace.

Selon lui, «une évolution est train de se faire». Le crémant et ses sept AOC françaises (Alsace, Bordeaux, Loire, Jura, Limoux, Bourgogne, Die), qui connaissent une progression annuelle des ventes de 7 à 8 %, «ce n'est plus un ersatz d'un autre produit», estime-t-il.

«Rapport qualité/prix imbattable», «efforts pour améliorer l'image de marque», «dégustations à l'aveugle», les raisons de cette évolution sont nombreuses.

«Nous avons également développé des cuvées très haut de gamme qui peuvent parfaitement se mesurer aux champagnes», juge M. Sohler.

Pour le sommelier Philippe Faure-Brac, «les crémants sont aujourd'hui d'un très bon niveau qualitativement». Les producteurs ont réalisé des «progrès notables» ces dernières années, notamment en Loire, Bourgogne et Alsace, mais aussi à Die ou Limoux, confiait-il il y a quelque temps à l'AFP.

Le classement du concours annuel des meilleurs effervescents du monde l'attestent: les meilleurs crémants peuvent se confondre et même surpasser certains champagnes dans des dégustations à l'aveugle.

Pierre du Couëdic, délégué général de l'Union des producteurs et élaborateurs de crémant de Bourgogne (Upecb), explique également cette progression par «les critères restrictifs» de l'Inao, organisme qui réglemente, reconnaît et contrôle les AOC.

L'appellation crémant impose notamment une vendange manuelle à juste maturité du raisin et un rendement d'extraction prédéfini de 150 kg de raisin pour un hectolitre de vin, détaille M. du Couëdic, estimant que cette appellation «est sûrement la plus restrictive de Bourgogne».

La Bourgogne, où les vendanges de raisins cueillis tôt, pour y trouver «acidité», «fraîcheur» et «vivacité», débutent lundi à l'extrême sud de la région, est la deuxième zone productrice de crémant avec 17 millions de bouteilles par an, derrière l'Alsace et ses 33 millions de cols.

Autre initiative bourguignonne, la mise en place d'un vignoble spécifiquement dédié au crémant à travers «l'affectation parcellaire», mise en place en 2008.

Alors qu'un producteur pouvait choisir, jusqu'au moment des vendanges, de destiner ses raisins au vin tranquille ou au crémant, il doit désormais déclarer les parcelles affectées au crémant avant le 31 mars de l'année en cours. Cela permet notamment d'anticiper les volumes disponibles.

Signe qui ne trompe pas, selon la filière, les cas d'usurpation du mot «crémant» se multiplient à l'étranger. «On voit apparaître de la bière au crémant, du crémant du Maroc ou d'Australie, mais la législation communautaire nous donne les moyens de nous défendre en Europe», prévient M. du Couëdic.