Depuis quelques jours, des satellites ont commencé à tourner au-dessus des vignobles français pour les photographier. Espionnage viticole de puissances étrangères? Non, un nombre croissant d'exploitants ont recours à cette technologie spatiale pour de meilleurs crus. À la véraison (moment où le raisin change de couleur), trois à quatre semaines avant la date des vendanges, les satellites Spot-5 ou Formosat-2 prennent un cliché infrarouge des parcelles de vigne. Le but: obtenir une cartographie de précision de la «couverture foliaire», la quantité de «végétation verte» portée par les pieds de vigne.

Un élément clef pour calculer sa vigueur et le poids des grappes et des grains. Le système, baptisé Oenoview, a été mis au point voici quatre ans par le groupe EADS Astrium, fort de l'expérience d'un système similaire destiné aux céréales en service depuis 1996, et l'Institut coopératif du vin (ICV), qui vend des produits et services à la filière viticole et vinicole. «Un des points importants en viticulture, c'est d'évaluer la qualité du raisin en fonction du type de vin qu'on veut faire, car on n'utilise pas le même raisin pour faire un vin de table et un grand cru», explique Jacques Rousseau, responsable des services viticoles à l'ICV. «Le second objectif, c'est de fixer les dates de maturité le plus exactement possible pour les vendanges», exercice d'autant plus périlleux que les parcelles sont en général hétérogènes avec des écarts de maturité importants, souligne-t-il. «Traditionnellement, on procède par des visites de terrain, des échantillonnages qui ne donnent qu'une vision très fragmentaire de la parcelle», dit M. Rousseau.

L'ICV s'est donc tourné vers le savoir-faire d'Astrium, filiale spatiale du groupe d'aéronautique et de défense EADS, pour que les viticulteurs disposent d'une «vision d'ensemble» de leurs vignes, à plus de 800 km d'altitude, mais avec une précision de 4m2.«1000 parcelles en huit secondes» Une fois que le viticulteur a identifié sa parcelle et fourni quelques éléments sur ses spécificités (pieds de vigne, cépage, etc), il n'y a plus qu'à programmer le satellite pour qu'il prenne l'image au bon moment, celui de la véraison, explique Henri Douche, responsable du département agriculture chez Geo-information Services, filiale d'Astrium. Le cliché - un seul suffit - est alors traité par ordinateur pour en extraire la quantité de végétation portée par la vigne. Un processus qui permet de produire des données directement utilisables par les agronomes au sol, sous forme de carte légendée avec zones colorées. «Le satellite ne remplacera jamais l'homme, c'est un outil supplémentaire», précise Henri Douche. C'est là que les techniciens de l'ICV interviennent pour donner des conseils sur le terrain. Il peut s'agir de petits viticulteurs voulant optimiser la qualité du raisin dans leur parcelle ou procéder à des «vendanges sélectives», mais aussi de grandes coopératives regroupant des centaines de parcelles et qui ont besoin de procéder à une sélection. «Dans le cas d'une coopérative, 1000 parcelles peuvent être photographiées en huit secondes avec Oenoview et on est sûr que les choses seront bien comparables, objectives.

Alors qu'il faudrait trois à quatre semaines à plusieurs équipes de techniciens au sol», selon Jacques Rousseau. Un atout important puisqu'il suffit de 20% de raisin insuffisamment mature dans une cuve pour nuire à la qualité du vin qui en sortira, précise-t-il. L'an dernier, Oenoview a traité quelque 6000 hectares de vignes dans toute la France, pour 50 à 70 euros par hectare. «Un coût extrêmement raisonnable pour la vigne» quand on sait que le bordelais produit au moins 5000 bouteilles par hectare, estime M. Douche. Après le Maroc, une campagne expérimentale est en cours en Grèce et un projet est également envisagé au Japon.