Saké et cuisine française, fromage et vins portugais, Sauternes et cuisine chinoise : les dégustations sur les accords mets-vins se multiplient au salon mondial Vinexpo, où les viticulteurs ont décidé de «parler autrement» pour séduire les papilles des acheteurs.

Dans les nombreuses soirées chic organisées tout au long du salon dans les châteaux, les propriétaires ont aussi rivalisé de menus inventifs à la hauteur des bouteilles débouchées, en faisant appel aux plus grands chefs étoilés: Anne-Sophie Pic, Yannick Alleno, Alain Passard ou encore Éric Fréchon, comme pour «justifier le classement du repas gastronomique au patrimoine mondial de l'Unesco», a déclaré, lors d'un de ces dîners, Philippe Castéja, président de l'Union des grands crus classés en 1855.«C'est une vraie tendance, peut-être même un argument de marketing», souligne la Chinoise Jeannie Cho Lee, étoile montante dans la critique du vin. «Le vin ne peut pas être servi tout seul, on doit le mettre là où il doit être, sur la table», dit-elle à l'AFP.«Ça fait partie de notre système de communication», explique André Lurton, l'un des plus importants producteurs du Bordelais, «c'est une très bonne formule qui permet de sortir des poncifs et peut inciter les gens à boire certains produits qu'ils ne savent pas comment servir».Pour leur kiosque de Vinexpo, les vignobles Lurton ont fait appel au chef Christophe Girardot, une étoile au Michelin, et à son sommelier.

Tartare de pêche à l'huile d'olive et sa croquette de foie gras associé à Château Couhins Lurton: «autant les vins que la cuisine ont à gagner de ces accords», estime le chef Girardot.«C'est une stratégie nouvelle, un bon pari», s'exclame Jo Raskin, importateur belge, qui se félicite de pouvoir désormais expliquer à ses acheteurs comment marier le vin avec les repas.«Aujourd'hui donner des explications ne suffit plus, alors on leur donne des exemples de mets», dit Vincent Cruege, directeur adjoint chargé de la production, «ça répond à une demande croissante».Le groupe de 160 salariés surfe sur la mode des émissions de cuisine pour organiser régulièrement des animations culinaires au bénéfice de ses vins de l'appellation Pessac-Léognan.Il va aussi bientôt lancer un site internet interactif où le consommateur pourra soumettre ses recettes pour mieux savoir comment les marier avec le vin. Un «travail de fourmi, admet M. Cruege, mais c'est une manière de se différencier».

Avec un but promotionnel à peine masqué, le «Front de libération des Sauternes» vient aussi d'ouvrir une page Facebook pour «libérer les Sauternes des clichés» qui font des liquoreux uniquement des vins de dessert ou réservés au foie gras. «On encourage les consommateurs à tout s'autoriser, à tout expérimenter», explique Aline Baly de Château Coutet. À la «Master class» sur la cuisine chinoise des crus classés de Sauternes et Barsac, on goûte du boeuf à l'huile rouge de piment associé à Château Guiraud ou du canard fumé au thé à Château La Tour Blanche. «Le velouté du plat fait ressortir le velouté du vin dans un accord de symbiose, l'un venant au service de l'autre», commente Martine Langlais-Pauly, responsable de Château Haut-Peyraguey.«Le niveau d'acidité des Sauternes est merveilleux avec toutes sortes de plats, mais les vieux millésimes sont encore plus adaptés et peuvent se déguster du début jusqu'à la fin du repas», conseille Jeannie Cho Lee, jugeant «très fréquent que la cuisine change les arômes des vins».D'ailleurs, lâche Bérénice Lurton, responsable de Château Climens, «le Sauternes, on peut aussi très bien le boire tout seul».