L'automne dernier, notre journaliste a visité des vignobles de la Loire et de la Bourgogne avec  un petit groupe de sommeliers québécois. Ces grands passionnés du vin ont bien évidemment eu des coups de coeur. Carl Villeneuve Lepage, sommelier au Toqué !, en a eu un pour le mythique Domaine Raveneau.

D'entrée de jeu, un avertissement :  il ne faut pas trop espérer agrémenter sa cave avec les mythiques cuvées du Domaine François Raveneau, qu'on s'arrachera la semaine prochaine dans les deux succursales de la SAQ Signature. Les vins sont si convoités que la société d'État doit procéder à un tirage pour allouer aux acheteurs les 240 bouteilles qu'elle a l'insigne honneur de recevoir chaque année.

À la demande du domaine, les meilleures caves de restaurants du Québec reçoivent également leurs petites allocations. Mais vous verrez rarement le nom de Raveneau sur la carte des vins. Il faut d'abord s'en montrer digne et, alors, peut-être que le sommelier ou la sommelière vous ouvrira une de ses quilles chéries. Il serait alors de bon ton de lui en offrir quelques gouttes !

Le domaine, fondé par François Raveneau en 1948, est maintenant dirigé par ses fils, Bernard et Jean-Marie. D'une superficie de 10 hectares, répartis sur trois grands crus et cinq premiers crus, puis une appellation village, le vignoble ne produit en moyenne que 3000 caisses par an. Trente-six mille bouteilles !

Pour un vin aussi convoité, le prix est encore étonnamment raisonnable et se situe, selon la cuvée, entre 45 $ et 97 $. Les vins sont à l'abri de la spéculation grâce à la SAQ. Aux États-Unis, vous paieriez l'équivalent de 200 $CAN pour une bouteille de Montée de tonnerre 2011, par exemple ; à la SAQ, elle se vendait 67 $ l'an dernier. On a vu le grand cru Blanchot 2011 à 269,99 $US (environ 350 $CAN) sur le site de Flatiron Wines, à New York (le prix de la SAQ : 97 $).



L'automne dernier, nous avons eu la chance d'être accueillis par Bernard Raveneau et sa fille, Isabelle. La jeune femme, discrète et souriante, semble avoir hérité de l'humilité de ses prédécesseurs. Elle prend tranquillement la relève du chai, sans bousculer les manières. Pourquoi changer une recette gagnante ?

Carl Villeneuve Lepage, sommelier au Toqué !, était aux anges pendant la visite du chai et la dégustation des 2014, qui s'affinaient tranquillement dans leurs fûts. C'était, pour lui, le moment le plus attendu d'un voyage comprenant une dizaine de visites de vignobles et de nombreux repas de vignerons.

« Les Raveneau ont un style vraiment unique à Chablis, explique le jeune connaisseur. Ceux qui aiment les Chablis très frais et à l'acidité vive ne s'y retrouveront pas.

Photo fournie par Carl Villeneuve Lepage

Carl Villeneuve Lepage (au centre), sommelier au Toqué ! a visité la Domaine Raveneau en 2014.

Nous avons en effet goûté au premier cru Montée de tonnerre 1998, au domaine. « Il était si riche qu'on avait une impression de caramel. » Carl n'attendra pas 20 ans avant de déboucher ses bouteilles !

« Les Raveneau ont un style unique aussi parce que tous leurs vins sont élevés de la même manière, poursuit le sommelier. Chez d'autres vignerons, on utilisera le bois uniquement sur les grands crus, pas sur les appellations village. Ici, tous les vins reçoivent le même traitement. Ils passent 18 mois dans de vieux fûts. Ça permet vraiment de voir comment le terroir parle. »

Le vignoble de Chablis est planté sur le fameux kimméridgien, un étage géologique datant d'environ 150 millions d'années, composé de marnes grises et de calcaire. Ce sont les moines cisterciens, surtout, qui ont été responsables de son développement, au début du XIIe siècle.

Aujourd'hui, les intemporelles cuvées du Domaine François Raveneau continuent de faire honneur à une longue tradition de pureté et de profondeur.

CARL VILLENEUVE LEPAGE

Le premier de classe a commencé à s'intéresser au vin lorsqu'il travaillait derrière le bar du Café Méliès. Il s'est vite inscrit à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ) et a suivi toutes les formations qui s'y donnaient sur le vin. De brèves études d'oenologie, dans le Rhône, lui ont permis de parfaire ses connaissances sur le terrain.

Comme son mentor, Élyse Lambert, qu'il a côtoyé pendant cinq ans au restaurant Le Local, Carl est un sommelier de compétition à l'approche sceptique et scientifique. « Je suis curieux et compétitif. J'aime les défis et j'aime aller au fond des choses. »

Le jeune homme de 30 ans a en effet passé les trois premiers niveaux de la certification de Master Sommelier - dans le film Somm, les sommeliers étudient pour passer le quatrième et dernier niveau. Il a également gagné le titre de meilleur sommelier du Québec (2014), ce qui lui permettra de participer à la compétition canadienne en 2018, afin d'accéder à celle des Amériques, puis, qui sait, à celle du monde !

Depuis deux ans, le dégustateur discipliné travaille au Toqué ! où il a accès à une cave magnifique, dont plusieurs vins de Chablis.

Pour lui, il n'y a que Vincent Dauvissat qui rivalise avec la réputation des Raveneau. Sinon, sans les placer dans la même catégorie, ses coups de coeur chablisiens offerts à la SAQ sont Louis Michel et fils, Isabelle et Denis Pommier, Bernard Defaix et Samuel Billaud.

Les frais de ce reportage ont été payés par Vins de France.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le sommelier Carl Villeneuve Lepage travaille au Toqué ! depuis deux ans.