«Presque tous ses vins étaient des faux»: un expert a enfoncé un peu plus lundi à New York l'Indonésien Rudy Kurniawan, jugé pour avoir fabriqué dans sa cuisine en Californie des vins qu'il revendait à prix d'or comme des grands crus français.

Difficile de savoir combien de fausses bouteilles ce collectionneur de grands vins, un temps porté aux nues, a mises sur le marché entre ses débuts en 2002 et son arrestation en 2012.

Mais Michael Egan, expert en vins qui a travaillé pendant 30 ans pour la maison d'enchères Sotheby's à Londres, est formel. Il a examiné «très en détail» 267 bouteilles attribuées à Rudy Kurniawan. «La vaste majorité était des contrefaçons», dit-il à la barre.

Il explique qu'entre 2002 et 2007, les années où Kurniawan a connu son ascension fulgurante, vendant chaque année pour des millions de dollars de vins, le marché des grands vins anciens, très recherchés par les collectionneurs, «a énormément augmenté», passant de 90 millions de dollars à plus de 300 millions de dollars.

En 2006, deux ventes aux enchères à New York qui proposaient des vins Kurniawan avaient notamment récolté 35 millions de dollars.

Au sixième jour du procès, M. Egan a montré aux jurés certains dossiers trouvés par les enquêteurs dans l'ordinateur de l'accusé, et notamment «de fausses étiquettes en cours de conception». Il a expliqué leurs différentes étapes de fabrication, comment Kurniawan, travaillant à partir d'une étiquette authentique, changeait l'année, parfois d'un seul chiffre, ajoutait un tampon, un numéro de série... et imprimait le tout en haute résolution.

M. Egan leur a montré de minuscules défauts de grain, similaires, sur des étiquettes séparées de plusieurs années, un fait selon lui absolument improbable.

19 000 étiquettes chez lui

Au total, près de 19 000 étiquettes «représentant 27 des meilleurs vins» au monde ont selon l'expert été retrouvées chez Kurniawan à Arcadia en Californie, dont 40 étiquettes de Bourgogne de Romanée-Conti 1945, une année tellement rare qu'il n'en existe plus.

Kurniawan, 37 ans, copiait et faisait fabriquer les tampons apposés par les grands domaines de Bordeaux ou de Bourgogne sur leurs bouchons, a-t-il aussi expliqué. À l'occasion, il «vieillissait» les étiquettes. Il achetait aussi selon M. Egan des bâtonnets de cire en grande quantité, pour fondre les bouchons anciens.

Toutes les années qu'il choisissait pour ses vins contrefaits étaient «d'excellentes années», a-t-il souligné.

Parmi ses contrefaçons, des grands bourgognes de la Romanée-Conti, du Domaine Ponsot du domaine Roumier, dont les responsables avaient témoigné la semaine dernière, et certains grands vins de Bordeaux comme les Château Pétrus.

«Cela va prendre des années pour nettoyer» les dégâts provoqués par Kurniawan, a ensuite confié M. Egan à l'AFP. Quand certains ont souligné le risque qu'il avait pris à contrefaire certains vins extrêmement rares, M. Egan a souligné que c'était la contrefaçon la plus lucrative.

Kurniawan avait réussi à se faire rapidement une place dans le petit monde des collectionneurs de grands crus, grâce à un palais exceptionnel et à une générosité sans limites. Menant la grande vie, il vivait illégalement aux États-Unis depuis qu'une demande d'asile lui avait été refusée en 2003.

Il risque jusqu'à 40 ans de prison. En costume cravate, assis à côté de ses deux avocats, il écoute impassible les débats.