Pour le Bordelais ou la vallée du Rhône, au climat favorable à la vigne, le coup pourrait être rude: les changements climatiques vont modifier en profondeur la répartition géographique des régions productrices de vin dans le monde d'ici 2050, avertit une étude.

La surface de terres propices à la culture de la vigne «va se réduire dans de nombreuses régions traditionnellement productrices de vin, comme la région de Bordeaux ou la vallée du Rhône, ainsi qu'en Toscane en Italie», souligne Lee Hannah, le principal auteur de cette étude publiée lundi dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

«Mais on trouvera de plus en plus d'endroits favorables dans des régions plus au nord, en Amérique du Nord et en Europe», ajoute-t-il, déclarant avoir été surpris lui-même par l'ampleur des changements à venir. «Quand on a démarré, on pensait que c'était du domaine de la science-fiction, mais maintenant on est assez persuadé que c'est appuyé par des données scientifiques».

Ainsi, la surface de terres propices à la culture de la vigne en Europe va se réduire, selon une donnée médiane, de 68 % en 2050 à cause du changement climatique causé par les gaz à effet de serre, note cette étude.

Celle-ci se fonde sur quatre modèles scientifiques différents concernant le réchauffement climatique: avec la version la plus optimiste, la baisse de surface de terres favorables ne serait que de 39 % en Europe, mais le pire scénario fait état d'une chute de 86 %.

«Même si on se fonde sur des chiffres optimistes concernant les émissions de gaz à effet de serre, cela atténue les changements, mais notre rapport montre qu'il y aura malgré tout d'importantes répercussions», a poursuivi M. Hannah.

La Nouvelle-Zélande bien placée

Les terroirs du Chili, de Californie, d'Australie et des régions d'Europe méridionale vont être les plus touchés par ces changements. À l'inverse, l'Europe du Nord, le nord des États-Unis ou la Nouvelle-Zélande pourraient devenir d'importants producteurs de vin.

Les viticulteurs des régions traditionnelles pourront tenter de ralentir le processus en plantant des vignes plus en altitude, où il fait plus frais, en cultivant des cépages plus résistants ou en recourant à des méthodes d'arrosage.

«D'ici une vingtaine d'années, l'industrie viticole sera très différente d'aujourd'hui en terme de répartition géographique et de techniques d'élaboration des vins», avance d'ailleurs M. Hannah.

Mais les chutes de précipitations et les éventuelles périodes de sécheresse seront vraisemblablement trop importantes pour continuer à cultiver de la vigne dans bon nombre de ces régions traditionnelles.

Ces modifications à venir ne sont pas non plus sans poser des problèmes pour la faune et la flore dans les régions qui vont devenir propices à la viticulture.

Pour cultiver des vignes, il faut en effet d'abord défricher d'importantes surfaces avant d'y replanter des cépages. Ceux-ci sont ensuite souvent traités avec des engrais ou des produits hautement toxiques pour lutter contre les champignons et autres nuisibles.

Les regards se portent ici notamment vers la Chine, qui est à ce jour le pays où la production de vin est la plus en augmentation dans le monde. Or la Chine dispose de ses meilleures terres pour les vignes exactement dans les montagnes où habitent les pandas, souligne Lee Hannah, inquiet de voir la production viticole venir empiéter sur l'habitat naturel de ces mammifères géants en voie d'extinction.