La sommelière Véronique Rivest a réalisé son rêve: elle s'est taillée une place sur le podium du 14e concours mondial de sommellerie qui s'est déroulé cette semaine à Tokyo. Elle repart avec la 2e place, derrière le Suisse Paolo Basso.

Après 17 années d'entraînement et deux passages au concours mondial, la sommelière a atteint son objectif lorsqu'elle s'est rendue en finale. Elle est la première femme à atteindre ce niveau dans une compétition mondiale.

« On me demande si je suis déçue d'avoir terminée deuxième, mais non, dit Mme Rivest, jointe à Tokyo après le concours. C'est extraordinaire! Mon but était de me rendre en finale. Je suis enchantée! »

Une soixantaine de sommeliers de 54 pays ont pris part à la compétition, qui se tenait au Japon. Pendant trois jours, ils se sont soumis à des tests écrits, des dégustations à l'aveugle et des épreuves de service. Les trois meilleurs se sont affrontés en finale.

Véronique Rivest était l'une des favorites de cette édition. Selon le journaliste Antoine Gerbelle de la Revue du vin de France (RVF), elle était « enthousiaste et disposait d'un vocabulaire très riche pour décrire les vins. » Il a toutefois noté qu'elle semblait tendue et qu'elle a manqué de temps lors son épreuve de service.

Mme Rivest estime pourtant avoir bien géré son stress. Elle avait fait appel aux services d'un psychologue spécialisé auprès des athlètes de haut niveau pour l'aider lors de sa préparation. Elle admet par contre avoir eu de la difficulté à exécuter la décantation d'un vin. 

« J'ai changé de bouteille lors de l'épreuve, parce que le client l'avait brassé et bougé le dépôt, explique-t-elle. C'était la bonne chose à faire. Mais j'ai fini par manquer de temps. Le bouchon était très mouillé et il s'effritait. »

Elle termine ainsi derrière le grand favori, Paolo Basso. Le Suisse avait  terminé deuxième lors des deux derniers championnats mondiaux et premier sommelier d'Europe en 2010. Le Belge Aristide Spies a surpris tous les experts en décrochant à Tokyo la troisième place. 

Interrogée à savoir si elle tentera sa chance de nouveau lors du prochain Mondial, Mme Rivest semblait incertaine. 

« Je ne sais pas encore, a-t-elle répondu. Pour le moment, je veux juste célébrer cette victoire. Les projets futurs viendront plus tard. »

La sommelière originaire de Gatineau caresse un autre rêve : ouvrir un bar à vin dans sa région natale.

«C'est un moment très important pour moi. Je voudrais remercier avant tout ma famille, qui m'a laissé le temps de m'entraîner dur ces dernières années», a déclaré le lauréat devant des milliers de passionnés de la dive bouteille venus pour la finale dans la capitale japonaise.

Cette victoire sonne comme une consécration pour ce sommelier de 47 ans, né en Italie et employé du Conca Balla, un restaurant de Vacallo, situé côté suisse de la frontière helvético-italienne.

Meilleur sommelier d'Europe en 2010, il avait terminé deuxième de la dernière édition du concours mondial la même année au Chili, derrière le concurrent britannique Gérard Basset.

Cette année, il affrontait 56 candidats de 54 pays, de l'Australie au Brésil en passant par l'Indonésie et la Suède.

Après avoir passé mercredi et jeudi les deux épreuves éliminatoires, qui ont permis de désigner les trois finalistes, M. Basso s'est montré le plus convaincant dans sa connaissance des vins, leur service et leur présentation dans une langue étrangère - le français pour lui.

Les deux autres finalistes, le Belge Aristide Spies et la Canadienne Véronique Rivest, ont passé le concours en anglais.

Organisée dans l'immense théâtre du forum international de Tokyo, la finale a été minutieusement mise en scène par les organisateurs qui lui ont donné un tour dramatique, défiant l'habileté des postulants par des pièges, fausses pistes et surprises à travers six épreuves.

Chaque concurrent a disposé ainsi de douze minutes pour reconnaître quatre vins. S'il y avait du «classique», comme un Beaune Les Aigrots 1er Cru (Bourgogne), le jury avait aussi sélectionné des vins indien, le Sula chenin blanc, et israélien, le Yarden Galilée Pinot Noir.

Encore plus ardu, M. Basso a dû comme ses deux rivaux tâcher de reconnaître six liqueurs et eaux de vie en trois minutes au total, ou à tout le moins en décrire la composition. Parmi les liqueurs testées figuraient une japonaise à la tomate, une mexicaine à la fleur d'Ibiscus et une au rhum venant d'Estonie...

L'un des grands moments de tension a été l'épreuve de débouchage d'un Château La Gaffelière 1985, Grand Cru classé Saint-Emilion. Véronique Rivest retire méticuleusement le vieux bouchon du goulot sans en faire tomber une miette... la foule passionnée applaudit à tout rompre.

«Un bon sommelier doit avoir une bonne connaissance du vin, être agréable et vous faire apprécier vos plats», avait expliqué le président du jury, le Français Serge Dubs, en présentant le concours.

D'après ce vainqueur du «cru» 1989, «le sommelier ne doit surtout pas se prendre pour une vedette et offrir un service parfait, précis et amical, afin de faire plaisir aux clients».

Peu de chance que les candidats se soient pris pour des vedettes lorsqu'ils ont passé l'épreuve du champagne, au milieu de trois clients difficiles aux goûts inconciliables. Le sommelier devait parvenir à trouver pour chacun le champagne qui correspondait le mieux à ses goûts.

À l'issue du suspense, Paolo Basso est devenu le quatorzième lauréat de ce concours créé en 1969.

Photo Toshifumi Kitamura, AFP

Paolo Basso (au centre)