Le comédien Marcel Leboeuf rêvait depuis longtemps de démarrer son vignoble au Québec. Mais il était loin de s'imaginer que son projet prendrait forme au beau milieu d'un quartier résidentiel de Mont-Saint-Hilaire.

Lorsque Marcel Leboeuf a acheté sa maison au pied du mont Saint-Hilaire, en 2005, le vieux verger derrière chez lui était à vendre. Les pommiers devaient être arrachés et le terrain, transformé pour y accueillir des condos. Tout cela, juste à côté de la maison d'enfance du peintre Ozias Leduc.

«J'avais envie de sauver le patrimoine, explique Marcel Leboeuf. Mon but premier n'était pas de planter de la vigne. Mais l'idée m'est venue naturellement.»

Le comédien a donc acheté le terrain et la maison du peintre. Il a d'abord cédé les bâtiments historiques à la Ville. Puis, il a arraché les pommiers malades pour y planter de la vigne en 2009.

Des vins fortifiés

Pour démarrer son projet, il s'est associé à André Michel, un artiste-peintre d'origine française qui réside aussi à Mont-Saint-Hilaire. La famille d'André Michel élabore un vin doux et fortifié dans la région d'Avignon depuis plusieurs générations.

Les deux associés se sont d'ailleurs inspirés de ce produit pour leur future cuvée québécoise.

«Je voulais un produit pour me démarquer, précise Marcel Leboeuf. Tout le monde fait du vin de glace au Québec. André m'a alors fait goûter les vins préparés par sa famille et j'ai aimé ça!»

Des experts leur ont conseillé de planter deux variétés aromatiques et originales: le Frontenac gris et le Frontenac blanc. Le vignoble compte aujourd'hui 3200 plants.

Défi urbain

Les maisons s'entassent aujourd'hui au pied du mont Saint-Hilaire, mais ça n'a pas toujours été le cas, relate le comédien. Avant d'être le paradis de la pomme, dit-il, c'était le paradis de la vigne.

«La vigne était sur les coteaux du mont Saint-Hilaire bien avant la pomme, m'a raconté mon voisin, sociologue, dit-il. Mais la pomme, c'est plus facile à cultiver et c'est moins compliqué que l'alcool pour les droits et les permis. C'est pour cela que la vigne a disparu.»

Si la vigne a de nouveau élu domicile dans la cour arrière de Marcel Leboeuf et celle de ses voisins, ces derniers étaient d'abord inquiets. Ils craignaient que le nouveau vigneron utilise des produits chimiques à proximité de leurs demeures. Pas de danger, assure-t-il. En milieu urbain, la municipalité l'oblige à pratiquer une agriculture biologique. Il pense d'ailleurs à obtenir la certification officielle lorsqu'il commercialisera ses vins.

Autre contrainte, le vigneron attend toujours le feu vert de la Ville pour construire son chai. Sans édifice pour vinifier sur les lieux du vignoble, il ne peut commercialiser son produit, selon un règlement provincial.

«Je rêve de reconstruire l'atelier d'Ozias Leduc qui a été incendié en 1983, explique Marcel Leboeuf. L'endroit s'appelait Correlieu. Ce sera le nom de mon domaine.»

Correlieu signifie «le lieu du coeur et le lieu de rassemblement des amis».

Un lieu chargé d'histoire

Il était primordial pour le comédien que l'endroit où serait situé son futur vignoble soit chargé d'histoire. Passionné, il a des tonnes de souvenirs et d'anecdotes à raconter. «C'est toute cette histoire que j'ai achetée en m'établissant ici», insiste Marcel Leboeuf.

Les deux amis espèrent que la construction du chai débutera au printemps. Ils prévoient commercialiser leur vin en 2014 ou en 2015.

Mais Marcel Leboeuf n'est pas pressé. Il veut réaliser plusieurs tests et peaufiner son produit avant de le vendre.

«Il faut être courageux pour être vigneron au Québec, explique-t-il. Les gens croient d'emblée que les vins ne sont pas bons. Le problème, c'est que les vignerons vendent trop vite leurs produits. Ils veulent amortir leurs investissements et je les comprends.»

Le vigneron en est à sa deuxième récolte. Il est fier des premières cuvées qu'il a réalisées en partie chez lui et chez son associé. Il croit que si les étés québécois continuent d'être aussi chauds et secs que le plus récent, les vins d'ici seront très compétitifs.