De fines bulles, plus fruitées que le champagne, mais beaucoup moins chères: le cava catalan mise sur l'exportation pour contrer la crise en Espagne et le risque de boycott de produits catalans, en pleine poussée indépendantiste.

Sur l'exploitation de cava Segura Viudas, en pleine région viticole du Penedés, à 30 kilomètres de Barcelone, les vendanges sont terminées, mais les machines fonctionnent à plein régime.

Jusqu'à 12 000 bouteilles, étiquetées et empaquetées, sortent toutes les heures de cette bodega, l'une des marques du géant du cava Freixenet, leader du marché espagnol.

Le pic de la saison approche: pour les fêtes de fin d'année en Espagne, le cava est incontournable. 35 millions de bouteilles y sont consommées en moyenne entre Noël et le Premier de l'an, selon le Conseil de régulation du cava.

Un produit phare, dont la consommation a toutefois reculé depuis le début de la crise. L'an dernier, les ventes de cava en Espagne ont baissé de 8,7% par rapport à 2010, alors que le pays est frappé de plein fouet par la récession et le chômage.

Un marché local déprimé, auquel s'ajoute un contexte politique compliqué: une poussée indépendantiste qui a conduit le chef du gouvernement régional, le nationaliste Artur Mas, à convoquer des élections anticipées le 25 novembre.

En cas de victoire, il promet un référendum sur l'autodétermination de la Catalogne. De quoi faire frémir les producteurs, qui se souviennent avoir été victimes en 2005 d'un boycott des produits catalans, sur fond de débat nationaliste.

Les ventes de cava catalan avaient reculé de 7,27% par rapport à 2004.

«Cela nous inquiète, mais bon, nous allons continuer à travailler et faire ce que nous savons faire: du cava. Nous sommes Catalans, Espagnols et Européens, et ce qui nous intéresse est de faire le meilleur cava possible», assure Pedro Bonet, directeur de communication de Freixenet.

Mousseux bon marché

Heureusement les exploitants ont leur bouée de sauvetage: l'exportation.

«Nous vendons actuellement 76% à l'exportation, contre 24% sur le marché espagnol», souligne M. Bonet.

Les exportations de cava ont progressé de 2,07% en 2011 par rapport à 2010, pour atteindre le record historique de 152 millions de bouteilles vendues à l'étranger.

«Dans ces temps difficiles de crise économique, pouvoir dire que les ventes  de cava ont atteint leur record sur le marché extérieur est une chose très positive», confie le président du Conseil de régulation du cava, Gustavo Garcia Guillamet.

Le grand atout du cava face à la crise est son prix.

Chez Segura Viudas, 20 millions de bouteilles reposent dans des caves sombres et poussiéreuses, 14 mètres sous terre. Elles seront vendues à un prix de départ de 5 à 7 euros (entre 7 et 10$ environ).

«Dans ces caves, les bouteilles fermentent et vieillissent. Selon le type de cava que l'on veut vendre, le vieillissement dure douze mois, trois ans ou quatre ans», explique le porte-parole de la bodega, Jordi Guilera.

Une méthode en tous points similaire à celle de la production de champagne. Sauf que le cava affiche un prix de départ moitié moins que le champagne français le moins cher.

Un mousseux bon marché dont les Allemands sont particulièrement friands. En 2011, ils en ont consommé 40 millions de bouteilles, suivis par les Britanniques (32 millions) et les Belges (23 millions).

«La Belgique est certes un petit pays, mais depuis que la crise a éclaté, il semble que les Belges recherchent des produits avec un très bon rapport qualité-prix, comme le cava», souligne Pedro Bonet.

Aujourd'hui, l'Espagne est le deuxième producteur mondial de vin élaboré selon la méthode champenoise, après la Champagne, en France.

Crise oblige, les ventes de cava font même une percée sur le marché français, avec 4 millions de bouteilles vendues en 2011 et la meilleure progression: une hausse de 8% par rapport à 2010.