À première vue, le Clos des Roches, au sud de Montréal, est un vignoble comme les autres. Quelques rangées de seyval blanc, de vidal et de maréchal foch poussent dans une clairière. Ce sont plutôt les habitudes de ses vignerons qui sont hors du commun. Car quand la météo le permet, ils vendangent tout nus. Et ils demeurent ainsi en élaborant leurs cuvées.

«Ne soyez pas surpris si les vendangeurs se dénudent», prévient le propriétaire du club naturiste La Pommerie, Gilles Beauchamp.

Le rendez-vous est donné un samedi matin pluvieux d'octobre. Le thermomètre frôle alors les 10°. Malgré le mauvais temps, les vendangeurs se prenssent de cueillir les raisins avant qu'ils ne pourrissent. Mais ce jour-là, pas question d'enlever un morceau de tissu: il fait beaucoup trop froid.

«On aime être nus, indique le vinificateur du groupe, Bernard Trudeau. Mais il y a aussi le confort.»

Les premières vignes du Clos des Roches ont été plantées il y a 16 ans. Le propriétaire du club, M. Beauchamp, rêvait alors de posséder son propre vignoble. Il a sélectionné une parcelle de terre légèrement inclinée pour y planter 1300 pieds de vigne. La tâche n'a pas été facile, se souviennent certains vignerons, car le sol est rempli de cailloux à cet endroit.

Avec les années, le rêve de Gilles Beauchamp est devenu le projet d'une vingtaine de membres du club naturiste, qui regroupe plus de 200 personnes. Les vignerons prennent leur travail très au sérieux. Chacun veille sur une rangée et exécute les travaux nécessaires à la vigne toute l'année: la taille, le palissage et, bien sûr, la vendange. Le groupe n'hésite pas non plus à dépenser des sommes considérables pour protéger la récolte des animaux avec des clôtures électriques.

Et s'ils mettent autant d'efforts, c'est dans le but de recevoir une partie de la production. Car une fois la mise en bouteille terminée, les membres se partagent le fruit de la récolte selon des règles bien établies.

Pour une bouteille de vin de glace

La récolte matinale terminée, la joyeuse bande se réunit pour le repas. Les bouteilles du Clos des Roches 2011 s'ouvrent enfin. Les vignerons ont produit l'an dernier deux blancs, un rouge, un de vendange tardive et un vin de glace. Et ils en sont fiers.

«Depuis la récolte 2010, confie l'un d'eux, je ne suis pas gêné de servir mes blancs à mes invités.»

Les vignerons se rappellent les résultats moins concluants de leurs premières vinifications réalisées avec des raisins achetés à la fin des années 90. Ils ont aussi conservé dans leur cellier quelques bouteilles datant de leurs premières vendanges. Le responsable de la cave assure néanmoins qu'il garde ces flacons en souvenir et non pas dans le but de les consommer.

Pour s'assurer de la qualité de leurs vins, ils suivent désormais les conseils de Jean Joly, du vignoble du Marathonien. Situé à quelques kilomètres de leur domaine, le producteur leur prête également ses installations au moment de l'élaboration du vin de glace.

C'est d'ailleurs pour mettre la main sur quelques bouteilles préparées avec des raisins gelés que plusieurs d'entre eux s'impliquent dans ce projet.

«Je ne suis pas ici pour les bouteilles de rouge que je vais recevoir, avoue une vigneronne. Je suis ici pour le vin de glace.»

Encore un peu de travail

À la fin du repas, le responsable des travaux viticoles calcule le poids des variétés récoltées plus tôt en matinée. Il annonce que le maréchal foch a été moins abondant cette année, mais qu'ils ont vendangé davantage de chaunac. Ces résultats motivent de nouveau la troupe, qui a encore beaucoup de boulot à abattre. Les vignerons doivent maintenant séparer les raisins de la tige (la rafle) qui les retient.

Pour le bonheur de tous, le soleil s'est pointé et le mercure a monté. Ils ont donc installé une table à l'extérieur près du bâtiment qui leur sert de chai. C'est l'occasion pour certains de mettre un petit bout de peau à nu, afin de profiter des derniers rayons chauds de l'après-midi. Mais pas plus.