Portés par un excellent millésime 2011, les vins liquoreux de la région de Bordeaux (sud-ouest), essentiellement les Sauternes, espèrent se tailler une part de l'imposant marché chinois, en pariant notamment sur l'accord entre cuisine asiatique et vins sucrés.

Avec un automne 2011 ensoleillé, favorable au développement sur les grappes de la bienvenue «pourriture noble» indispensable à la naissance de ces vins couleur or, les onze appellations bordelaises productrices de vins moelleux et liquoreux ont bénéficié de conditions climatiques optimales.

Le millésime 2011 «a beaucoup de charme et figure parmi les très bons», assure Gérard de Lambert des Granges, propriétaire du 1er cru classé Sigalas-Rabaud, château de la plus renommée de ces appellations, le Sauternes et Barsac.

«Il se rapproche peut-être des millésimes exceptionnels que sont 1929, 1967 ou 2001, mais sans les égaler», ajoute-t-il en toute franchise.

L'annonce d'un grand millésime, qui sera mis en bouteilles au printemps 2013, est un premier pas indispensable pour attirer le juteux marché chinois, passé leader dans l'importation des vins de Bordeaux, surtout des rouges.

D'autant que se répète à l'envi que ces vins sucrés se marient à merveille avec la typicité sucrée-salée-épicée de la cuisine asiatique. De nombreux oenologues et chefs étoilés chinois, tel William Ma, chef cuisinier du Canton room à Hong-Kong, affirment leur intérêt pour «une nouvelle approche de l'accord entre cuisine asiatique et vins sucrés».

«Je suis convaincu que certains de nos plats se dégustent bien mieux avec ces vins», a assuré M. Ma lors de sa venue début juillet à Bordeaux pour des démonstrations d'accord mets et vins liquoreux. «Mais il ne faut pas que les plats soient trop sucrés» pour rendre subtil cet accord, a-t-il souligné.

Si les exportations vers la Chine et Hong Kong ont été multipliées par trois en un an, le rouge se taille la part du lion et le poids des blancs doux dans les importations est encore infime.

Sur les quelque 611.000 hl de vins de Bordeaux importés en 2011 sur ces deux marchés, pour 666 millions d'euros en valeur, le groupe des blancs doux ne représente que 0,4% en volume et 1,5% en valeur, dont la quasi-totalité pour les Sauternes et Barsac.

La marge de progression vers cet eldorado est donc grande. D'autant que des obstacles liés au taux de souffre dans ces vins ont été levés en septembre 2010.

Les promesses du marché asiatique sont bienvenues alors que le traditionnel marché français s'essoufle.

Dans l'Hexagone, «il faut décloisonner la consommation de liquoreux qui se fait à près de 70% lors des fêtes de fin d'année» pour des consommateurs «qui ne l'imaginent que sur du foie gras», souffle Philippe Dejean, président du l'Union des liquoreux de Bordeaux, à l'origine de la marque Sweet Bordeaux qui, depuis 2009, regroupe 530 propriétés des onze appellations réunies sur 4.000 hectares, au sud de Bordeaux.

C'est pour contrecarrer ces «idées reçues» que cette marque cible une nouvelle clientèle, urbaine et féminine sur la tranche 25-40 ans, en lui proposant de boire ces vins en cocktail ou dans un bain de glaçons.

En Chine «les stands de liquoreux ont (en revanche) un très grand succès lors des festivals, l'adhésion est immédiate lors des dégustations» souligne le président de l'organisme de défense et de gestion des Sauternes et Barsac, Xavier Planty. Il fonde de «gros espoirs» sur le «Wine and dine festival» de Hong-Kong du 1er au 4 novembre.

«Le marché des Sauternes va s'établir en Chine alors qu'il n'existait pas avant», veut-il croire, «mais à quel niveau? On verra d'ici un an ou deux».

Et pour l'aider, une rumeur bienvenue de dégustatrices de Shanghai se propage sur le réseau social chinois Weibo, l'équivalent de Twitter, indiquant que boire ces vins dorés donne un teint de peau éclatant aux femmes, principales consommatrices de blancs doux.