Le ministre québécois de l'Agriculture, Pierre Corbeil, est confiant que les producteurs de vin de glace québécois pourront continuer à utiliser cette appellation, même si ce droit est menacé par une agence fédérale. Il soutient que si les façons de faire des producteurs d'ici dérangent ailleurs au Canada, la province a néanmoins un avantage sur les autres: le froid.

En janvier, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a annoncé qu'elle désire réglementer la production du vin de glace au pays. Les vignerons de l'Ontario et de la Colombie-Britannique soutiennent que leurs confrères québécois doivent être exclus de l'appellation «vin de glace» en raison de la méthode qu'ils utilisent.

Dans les autres provinces, les vignerons laissent les raisins geler sur la vigne jusqu'à la vendange. Mais pas au Québec, où les producteurs récoltent les grappes après la tombée des feuilles de vigne, et les suspendent dans des filets jusqu'au gel.

L'ACIA a lancé des consultations en mars sur ce dossier épineux. On devrait connaître sa décision au cours des prochaines semaines.

Dans sa première entrevue depuis le début de la controverse, le ministre Corbeil se fait rassurant. Selon lui, il est impossible d'établir une norme pancanadienne sans tenir compte des différences de température d'une province à l'autre.

L'Agence devra faire preuve de flexibilité face aux producteurs du Québec, dit-il, car dans les vignobles du reste du Canada, c'est plutôt le manque de froid qui pose problème.

«Si on veut parler de vin de glace, paraît-il qu'il faut ramasser les grappes et presser à -8 degrés Celsius, explique le ministre. Alors, il y a un argument qui est en faveur du Québec.»

«Les changements climatiques vont peut-être faire en sorte que dans certaines autres régions au Canada, on n'atteindra pas le -8 degrés, poursuit-il. Alors, on ne pourra peut-être pas continuer (là-bas) à appeler ça du vin de glace.»

Québec sollicite l'avis d'experts

Afin d'appuyer les vignerons du Québec, le Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) a demandé l'avis de différents experts français et suisses. L'opinion du président des oenologues de France, Cyril Payon a d'ailleurs été sollicité.

Dans sa réponse envoyée en avril dernier à la sous-ministre Dominique Fortin, M. Payon approuve la méthode utilisée au Québec. Il indique qu'après les premières gelées, lorsque la sève est descendante dans la plante, la grappe n'a plus besoin d'être accrochée à la vigne. Ce qui importe le plus, selon lui, c'est que les fruits restent dans le vignoble et qu'ils soient ramassés à la bonne température.

«Je ne peux considérer que des différences significatives sur des baies de raisin gelées puissent exister en fonction du mode de congélation naturelle des baies issues des grappes décrochées du végétal ou des grappes non séparées du végétal», écrit-il.

L'oenologue entend d'ailleurs soulever la question au Congrès de la vigne et du vin qui se tient cette semaine en Turquie.