Sur les 85 vignobles du Québec, une dizaine élaborent du vin de glace. Hier, en cette journée glaciale, c'était pour plusieurs le moment des vendanges. Nous avons fait le travail avec l'un d'eux, un des pionniers du vin de glace au Québec.

Pendant que plusieurs attendaient la neige et le froid pour lancer leur saison de ski, au vignoble du Marathonien, on espérait plutôt le refroidissement pour récolter le raisin. Et le froid des derniers jours a permis au vigneron de terminer ses cueillettes pour l'élaboration de son vin de glace.

À 8h hier matin, le thermomètre affichait -16,5oC dans la plaine d'Havelock, à 10 kilomètres de la frontière américaine. Près d'une dizaine de courageux, amis, membres de la famille et bénévoles arrivent au vignoble.

Guylaine Louis-Seize est du groupe. Partie de Sainte-Julie au lever du jour, elle veut cueillir ses premiers raisins gelés.

«On est venus ici l'été dernier pour notre 25e anniversaire de mariage. On voulait revenir en hiver pour voir de quoi ça a l'air, dit-elle. On voulait voir comme c'est froid. On va maintenant plus apprécier quand on boira notre vin de glace.»

Armés de contenants pour la cueillette, les bénévoles se rendent dans le champ.

Les raisins du cépage vidal, préalablement vendangés à la fin du mois d'octobre, attendent dans des filets suspendus au-dessus des vignes. Cette pratique permet au vigneron d'ensevelir le pied de ses vignes avec de la terre et des roches. Les plants sont ainsi protégés du gel et les grappes ne sont pas abîmées.

«C'est tout simple, explique Line Joly, copropriétaire du domaine. On détache nos broches et on secoue les grappes pour enlever la neige. On ne veut pas d'eau dans notre vin! Puis on met le raisin dans nos canisses.»

Comme des bonbons

En raison des variations de température des dernières semaines, les grains ont pris une couleur marron. Les grappes ressemblent alors à des bonbons. En moins d'une heure, les 35 caisses nécessaires pour remplir les deux pressoirs débordent. De retour au chai, où se trouvent les presses, chacun des contenants est pesé avant d'être vidé dans les machines. Près de 550 kg de raisins ont été ramassés hier matin, assez pour produire 320 bouteilles.

Mais le vigneron avise ses bénévoles: puisque le raisin est gelé, il faudra près d'une trentaine de minutes avant de voir les premières gouttes de jus tomber. Ce délai échu, des filets de liquide onctueux s'échappent du pressoir, une consistance qui rappelle celle du miel.

Pour les curieux, Jean Joly remplit un verre du précieux nectar. La couleur est dorée. La robe est brouillée. Le liquide goûte déjà la cassonade et la muscade.

«Avec la température d'aujourd'hui, ça va prendre près de 18 heures pour tout presser», précise le vigneron.

Jean Joly termine ainsi sa septième récolte de raisins gelés de 2011. Le vigneron assemblera par la suite tous les jus pour démarrer la fermentation qui va durer jusqu'en juin. Près de 3000 bouteilles de vin de glace seront produites cette année au vignoble du Marathonien.