Des chimistes britanniques ont mis au point une supermolécule en forme de tire-bouchon qui, à condition d'être orientée dans le bon sens, pourrait selon eux devenir l'arme du futur contre les bactéries, même celles qui résistent aux antibiotiques traditionnels.

Pour leurs travaux sur les infections, ces chercheurs de l'Université de Warwick (centre de l'Angleterre) se sont inspirés pour leurs travaux sur les infections des structures en tire-bouchon existant à l'état naturel.

Appelées «hélicates» en raison de leur forme hélicoïdale, ces supermolécules ont été créées artificiellement pour la première fois à la fin des années 1980.

Composées de longues molécules enroulées autour d'atomes de métal, ces «hélicates» avaient rapidement déchaîné la passion des chimistes, pas tant pour leurs applications - qui restaient obscures - que pour leur capacité à s'assembler toutes seules dès que les conditions chimiques propices étaient réunies.

C'est en étudiant ce procédé que Peter Scott et ses collègues ont créé une nouvelle classe d'hélicates, plus pures et plus flexibles, qu'ils ont donc baptisé «flexicates». Et ils ont découvert que l'une de ces «flexicates», à base d'atomes de fer, arrive à détruire aussi bien une bactérie Escherichia coli classique qu'un staphylocoque doré résistant aux antibiotiques (SARM), rapportent-ils dans une étude publiée dimanche par la revue Nature Chemistry.

Pourquoi? L'hélice formée par cette flexicate tourne tout simplement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Une sorte de minuscule tire-bouchon pour gaucher nettement plus efficace contre l'E. coli et le SARM que sa version pour droitier.

En effet, pour des raisons encore mal connues, certaines bactéries sont plus vulnérables à des molécules «gauchères», tandis que pour d'autres, c'est le modèle pour droitiers qui fonctionne mieux, explique l'Université de Warwick dans un communiqué.

«C'est tout un nouveau pan de la chimie qui s'ouvre. Ces nouvelles molécules artificielles sont flexibles, ce qui veut dire qu'en les tordant un peu, on peut les utiliser contre toute une série de maladies, pas seulement des bactéries résistantes comme le SARM», estime Peter Scott.

Le tour de force des chimistes britanniques est d'avoir réussi à fabriquer des tire-bouchons tous orientés dans le même sens (gauche ou droite), alors que jusqu'à présent les hélicates produites en laboratoires étaient un mélange des deux orientations.

«Nos travaux signifient qu'à partir de maintenant, on peut donner à la molécule l'orientation que l'on souhaite en fonction de l'effet qu'on veut produire», poursuit le Pr Scott.

«En obtenant la bonne orientation, on peut aussi diminuer la dose médicamenteuse de moitié, ce qui a pour conséquence de réduire les effets secondaires (...) Pour les patients, il est plus sûr de n'avaler que la moitié de la dose», souligne-t-il.

De longues études cliniques sont encore nécessaires avant de pouvoir espérer utiliser ces flexicates chez l'homme.

Mais les tests menés par les chimistes sur des petits vers ont déjà démontré une «toxicité relativement faible» par rapport à son efficacité antimicrobienne, ce qui est «extrêmement prometteur», selon l'étude.