Qu'ils notent les vins dans leur catégorie ou dans l'absolu - comme le font la plupart des journalistes québécois du vin, dont l'auteur de ces lignes -, tous les chroniqueurs ont un jour ou l'autre à se poser la question.

Dans les faits, deux écoles s'affrontent.

D'un côté les chroniqueurs états-uniens, australiens et canadiens-anglais, d'une formidable générosité, et aux yeux desquels les grands vins, notés 90 sur 100, ou même davantage, sont légion.

De l'autre côté, les Européens, comme les Anglais ou les Français, mais également les Québécois, beaucoup plus exigeants. Et qui, dans leur très grande majorité, notent bas.

Aussi bien le répéter, j'estime, pour ma part, qu'il vaut mieux être exigeant et donc noter bas. Pourquoi?

Tout bonnement parce que la perfection, en matière de vin, est rarissime et qu'il est presque toujours possible, pour les viticulteurs, de faire mieux - et donc de trouver mieux pour ce qui est du consommateur.

Ce n'en est qu'un exemple, mais éloquent.

Goûté récemment, à bouteille découverte, le Saint-Estèphe 2005 Château Montrose, très cher (186$ la bouteille, 918 730), au beau bouquet tout à fait classique de bordeaux rouge, de fruits noirs surtout, et relevé par une note florale, comme de violette, et en bouche relativement corsé, serré et puis assez austère, me sembla - malgré toutes ses qualités - mériter tout au plus 17,5 sur 20, soit 87,5 sur 100.

C'est... tout juste entre les notes des Français Bettane et Desseauve (17/20) et du guide Les meilleurs vins de France 2010 (18/20).

Les Américains, eux, ont porté ce vin aux nues. Quatre-vingt-quinze sur 100 dans le cas de Robert Parker, 94 pour ce qui est du Wine Spectator et 93 en ce qui concerne l'International Wine Cellar de Stephen Tanzer.

À mon avis, enfin, ce ne sont pas les Américains qui ont raison, malgré ce qu'en pense sans doute la SAQ.

Bourgogne 2009 Louis Latour, 17,95$ (55 533),***,$$, 2011-2013.

Très beau bourgogne blanc, au bouquet nuancé, et si discrètement boisé qu'on dirait presque, au nez, qu'il s'agit d'un chablis. Plutôt léger, d'un équilibre exemplaire, et non sans finesse, ses saveurs sont franches et son boisé tout aussi peu appuyé au plan gustatif, le passage en barriques étant de six mois seulement. D'un grand millésime pour la Bourgogne. 12,8% (180 caisses).

Petit Chablis 2009 Domaine Millet, 18,20$ (10 516 473), ***,$$, 2011-2012.

Certains producteurs de Chablis déplorent l'existence du Petit Chablis, la plus humble des appellations de ce vignoble. Ne boudons pas notre plaisir! Petit Chablis tant qu'on voudra, son bouquet, fin et à la note minérale caractéristique, très chablis, enchante. Léger, ses saveurs sont pures et rehaussées par une certaine quantité de gaz carbonique. Délicieux. 12% (100 caisses).

Bourgogne 2006 Les Ursulines Jean-Claude Boisset, 24,20$ (11 008 121), ***,$$$, 2011-2012.

Restons-en pour le moment à la Bourgogne, vignoble de tous les enchantements... Bourgogne rouge qui est de retour, ce vin surpasse nettement ce qu'on peut attendre de son appellation. Rouge clair, son bouquet, plein de fraîcheur, associe fruits rouges et fruits cuits, et la bouche suit. Nuancée, souple, d'un charme évident. 13% (230 caisses).

Rioja 2009 La Vendimia, 15,70$ (10 360 317), ***,$ 1/2, 2011-2013.

Très joli vin rouge de la Rioja, fait à parts égales de Tempranillo et de Grenache, et élevé en fûts de chêne français (80%) et américain (20%). Le bouquet est tout en fruit, avec une note sucrée, la bouche un peu plus que moyennement corsée, peu tannique, avec de l'éclat. On dirait presque un très bon beaujolais! 14% (337 caisses).

Willamette Valley Vineyards 2007 Pinot Noir, 29,50$ (11 333 804), *** 1/2,$$$ 1/2, 2011-2013.

Vin d'Oregon, de Pinot noir, il montre à quel point ce cépage réussit à cet État américain. Séduisant, un peu vanillé au nez (20% du vin est élevé en fûts neufs français), de corps moyen, tendre, on dirait... un croisement de bourgogne et de vin de Pinot noir de Nouvelle-Zélande. Savoureux. 13% (66 caisses).

Pago Guijoso 2007 Crianza Sanchez Muliterno, 24,95$ (11 195 851), *** 1/2,$$$, 2011-2016.

Vin rouge d'Espagne, bien différent des matamores, ou «blockbusters», de ce pays, et noté, en ce qui me concerne, exactement comme le Château Montrose à...186$! Vin de Castille-La Manche, associant Merlot (58%), Cabernet Sauvignon (26%) et Tempranillo (16%), son bouquet, un peu épicé, mûr, séduit d'emblée. Même chose pour la bouche, concentrée sans excès, distinguée, aux beaux tannins bien enrobés. Élevage en fûts de chêne français. 13,5% (106 caisses).