Rendre le vin «plus séduisant» et «moins chiant» pour séduire les jeunes Français et leur redonner la culture du vin, c'est ce que proposaient un oenologue et un vigneron invités à la première conférence du nouveau pavillon de la filière viticole au Salon de l'Agriculture.

Si le vin reste la boisson alcoolisée la plus consommée en France, le nombre de consommateurs réguliers a été divisé par deux depuis 1980 selon FranceAgriMer, et la tendance s'accentue chez les 20-35 ans.

«Le vin français va devenir comme l'Église catholique, il n'y aura plus aucun jeune qui sera intéressé», regrette Olivier Magny, un oenologue peu conventionnel qui vient d'ouvrir «le plus grand bar à vin de Paris». Pour cet autodidacte âgé de 30 ans, «dire qu'un vin a un goût de mûre ou de banane, c'est chiant».

L'amour du vin passe par celui du terroir et un certain art de vivre: «il y a un savoir, un patrimoine à transmettre et ce n'est pas fait», regrette-t-il, «les Chinois et les Américains ont plus soif de terroir que nous».

Aux États-Unis, «le terroir est tendance», explique-t-il, racontant qu'à San Francisco, ce sont «des jeunes tatoués et branchés qu'on retrouve dans les boutiques de produits du terroir».

Pour rendre le vin «plus sexy», il ne faut pas hésiter selon lui à recourir au marketing voire au happening, une technique qu'il a mise en oeuvre en organisant une dégustation, dans les airs, de 3 grands crus pour les passagers d'un vol Paris-Barcelone en 2009.

Il compte aussi sur l'effet d'entraînement des séries américaines, type Sex in the City ou Cougar Town, où l'on voit régulièrement les personnages déguster un verre de vin, une façon de contourner la loi Evin qui restreint la promotion des boissons alcoolisées.

«Depuis 20 ans on diabolise le vin et notre jeunesse est devenue adepte du binge drinking (consommation d'alcool à outrance)», juge l'oenologue. Pour lui, la culture du vin permet de lutter contre ce phénomène, une opinion que partage Alain Janicot, coprésident de l'Union interprofessionnelle du vin de Cahors (Uvic): «il faut redonner envie aux jeunes de vivre avec une sage lenteur», préconise le vigneron.

Le Cahors, qui se fait appeler «French Malbec» à l'étranger, est le «seul vignoble français qui a une production en hausse de 20% en volume et en valeur». Il a su devenir tendance à l'international, ce qui a fait décoller ses ventes, notamment en Chine avec une progression de 62% en 2010, selon M. Janicot, qui prévoit un doublement des exportations pour cette année.

Pour conquérir les 20-35 ans, l'Uvic a développé des collerettes, qui habillent le goulot des bouteilles, présentant des codes-barres pour les smartphones qui donnent accès à des vidéos sur le producteur et l'histoire du vin. «Je pense que c'est l'avenir de la viticulture» qui a besoin de se mettre en scène, estime M. Janicot.

Olivier Magny, qui dans ses cours d'oenologie organise parfois des visites des vignes, veut «montrer qu'on peut avoir du plaisir dans les parcours oenologiques» et regrette que «lorsqu'on visite des caves, on ne voit pas beaucoup de 20-35 ans».

Ses clients sont anglais ou américains à 80%. «Les Français ne sont pas drôles, ils ne veulent pas payer et à partir de 40 ans, ils croient tout connaître sur le vin», lance-t-il, admettant préférer les clients étrangers.

«En France, les jeunes mangent de la «merde», boivent de la +merde+ et sont très satisfaits», assène ce Jean-Pierre Coffe de la vigne, qui ne désespère pas cependant de les voir retrouver le goût du vin. Et si possible dans son bar.