Combien d'amateurs de vin - moi le premier - ne rêvent pas, à l'occasion, de planter leurs propres vignes, de les bichonner jusqu'aux vendanges et, ensuite, bonheur ultime, de veiller à l'élaboration de leur propre cuvée?

À défaut d'avoir la terre (inabordable de toute façon dans le Bordelais et en Califormie), le temps et l'expertise pour mener à bien un tel fantasme, vous pouvez désormais, moyennant plusieurs milliers de dollars, vous offrir une barrique de grands bordeaux ou de californiens qui seront assemblés selon vos exigences et élevés par des vinificateurs chevronnés.

Accrochez-vous, toutefois, consommateurs québécois, l'expérience risque de s'avérer onéreuse.

Crushpad, c'est le nom de la firme californienne (le «vieux monde» est trop conservateur pour penser à un truc pareil!) qui a eu cette idée il y a quelques années: permettre à des particuliers d'acheter une barrique (300 bouteilles), de choisir son contenu à partir d'une sélection de cépages provenant de vignobles de grande qualité et confier l'assemblage et l'élevage à des vinificateurs d'expérience, qui suivront le vin, dans leur chai, jusqu'à sa mise en bouteille. Le client pourra même personnaliser ses étiquettes, soit pour sa consommation personnelle, soit pour la restauration ou la revente.

Crushpad s'occupe aussi de livrer «votre» cuvée et vous invite à suivre les étapes sur place, à visiter les lieux et les domaines avoisinants, à déguster les vins de ses parcelles et à échanger avec les «winemakers».

Lancée d'abord en Californie, où elle compte maintenant plus de 5000 clients, Crushpad s'est installée dans le Bordelais en 2009, où elle ne compte pour le moment que 150 clients.

Le prix est fonction de la parcelle d'où provient le raisin, les plus prestigieuses coûtant nécessairement plus cher, soit, grosso modo pour les vins Crushpad bordelais, entre 7200 euros (9600$) et 14 000 euros (18 600$).

Par exemple, dans le Bordelais, vous pouvez réserver du cabernet sauvignon cultivé à Cabaleyran, dans un vignoble situé tout juste au nord de Saint-Estèphe et voisin du domaine Sociando-Mallet. Ou du merlot qui aura côtoyé les terres de Château Grand Pontet ou du cabernet franc cueilli sur les terres de Tertre D'augay.

Crushpad est installé au Château Teyssier, à Saint-Émilion, et confie l'assemblage et l'élevage aux vinificateurs Jonathan Maltus (château Teyssier), Éric Boissenot (consultant auprès de Lafite Rothschild, Margaux, Palmer, Léoville Barton, notamment) et Cecilia Grallet (anciennement au service de Latour et Palmer).

Même principe en Californie, où vous pouvez «cueillir» vos raisins dans des vignobles choisis et laisser les «winemakers» Kian Tavakoli (anciennement de Clos du Val), Adam Smith (Bethel Heights, dans la vallée de Willamette) et Cindy Cosco (Château Saint-Jean) veiller sur vos futures bouteilles.

L'idée vous paraîtra peut-être inspirante, mais attention, nous sommes ici en territoire totalement nouveau sur le marché québécois et la structure tarifaire (majoration) de la SAQ, les taxes, le transport et les frais de douanes risquent de faire doubler les coûts de l'expérience. D'un prix moyen de 20 à 35 euros (entre 27 et 47$), vos bouteilles pourraient donc atteindre de 40 à 70$, ce qui rend l'aventure moins attirante pour la majorité des amateurs.

Il s'agit d'évaluations pour le moment puisque la SAQ n'a jamais entendu parler d'un tel service et ne s'est donc pas penchée sur la question. Pour les vins courants, selon les exemples donnés par la SAQ dans son rapport annuel, une bouteille vendue par le producteur 5$ coûtera, une fois sur les tablettes de la SAQ, 15$.

Autre chose, il faudra aussi soumettre les produits aux analyses sanitaires et de qualité du laboratoire de la SAQ avant de recevoir sa cuvée personnelle. Et probablement aussi, malheureusement, se taper un peu de paperasse...

De toute évidence, il s'agit d'un «trip» viticole réservé à une minorité d'amateurs de vin.

Le marché de prédilection pour Crushpad, comme pour toute l'industrie du vin, c'est l'Asie, où la jeune entreprise connaît une belle croissance, selon Daniel Villamaux, représentant pour la branche bordelaise.

Vous trouverez tous les détails (le nom et la description des parcelles d'origine des raisins utilisés, les gens et leurs coordonnées, etc.) sur crushpad.com et crushpad.fr.

Petalos, Bierzo 2008

(Code SAQ: 10 551 471), 21,20$

D'une région espagnole qui gagne à être connue (Nord-Ouest), ce vin est un habitué de ma cave B (celle des vins courants) depuis des années. Du fruit (prune), mais aussi un peu d'épices qui rappellent la vallée du Rhône et une touche animale sur la fin. En plus, la chose n'est pas si fréquente, la SAQ le vend moins cher que dans les millésimes précédents (23,70 $ en 2006). Et l'étiquette est magnifique.