Le chef de la direction de Facebook, Mark Zuckerberg, a finalement présenté des excuses pour des politiques du site de réseautage n'ayant pu empêcher l'accès par une application externe à des renseignements privés d'environ 50 millions d'usagers sans leur consentement.

M. Zuckerberg a affirmé à CNN mercredi soir être «vraiment désolé», parlant de vive voix dans sa première entrevue depuis l'éclatement du scandale la semaine dernière. Le chef de la direction a dit regretter ne pas en avoir fait plus pour protéger les informations privées.

Concernant l'appel notamment de sénateurs démocrates aux États-Unis pour qu'il vienne témoigner devant des élus, M. Zuckerberg a affirmé à CNN qu'il irait témoigner «si cela est la bonne chose à faire». Il a ajouté qu'il pourrait y avoir des personnes ayant davantage l'«expertise nécessaire» pour répondre aux questions, tout en reconnaissant l'«aspect d'imputabilité» de sa propre présence en comité parlementaire.

Des démocrates bien en vue au Sénat américain ont appelé à ce que M. Zuckerberg vienne répondre aux questions à Washington.

Le comité parlementaire sur les médias au Royaume-Uni a sommé M. Zuckerberg de venir témoigner. Facebook avait éclipsé les questions sur un possible témoignage du chef de la direction, disant plutôt que l'entreprise s'attardait ces jours-ci à mener ses propres examens.

Rompant plus de quatre jours de silence, M. Zuckerberg s'était d'abord manifesté mercredi par un message sur sa page Facebook. Il y a admis des erreurs et a présenté des mesures pour protéger les renseignements d'utilisateurs à la lumière du scandale de protection de la vie privée impliquant une firme d'exploration de données.

>> Lisez le message de Mark Zuckerberg diffusé sur Facebook (en anglais)

M. Zuckerberg a affirmé que le site de réseautage avait une «responsabilité» de protéger les informations privées de ses utilisateurs.

Le chef de la direction a écrit que si l'organisation échouait à le faire, elle ne «méritait pas de servir» ses usagers partout dans le monde.

M. Zuckerberg et la dirigeante numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg, étaient demeurés silencieux depuis les informations révélées vendredi dernier, selon lesquelles la firme Cambridge Analytica pourrait avoir utilisé de manière inappropriée des données obtenues sur environ 50 millions d'usagers de Facebook pour tenter d'influencer les résultats d'élections.

M. Zuckerberg a affirmé que l'entreprise avait déjà adopté les mesures les plus importantes pour empêcher la répétition d'une telle situation dans les dernières années. Par exemple, Facebook a réduit l'accès des applications externes aux renseignements sur les usagers en 2014, bien que certaines des mesures ne soient entrées en vigueur qu'un an plus tard, permettant à Cambridge Analytica d'accéder aux données dans les mois ayant suivi.

Les autorités au Royaume-Uni et aux États-Unis enquêtent sur l'usage inapproprié allégué de renseignements sur Facebook par Cambridge Analytica, une firme de recherches politiques établie au Royaume-Uni.

Le géant Facebook fait lui-même l'objet de critiques de politiciens des deux côtés de l'Atlantique pour son échec à protéger la vie privée de ses usagers.

Sandy Parakilas, qui a travaillé sur la protection des renseignements pour Facebook en 2011 et 2012, a affirmé à un comité parlementaire, mercredi, au Royaume-Uni, que l'entreprise était vigilante quand il était question de la sécurité de son réseau, mais laxiste en ce qui a trait à la protection des données sur les usagers.

M. Parakilas a soutenu que les renseignements personnels incluaient les adresses de courrier électronique et que dans certains cas, des messages privés pouvaient être extraits des serveurs de Facebook sans véritable contrôle sur leur utilisation par la suite.

«Le véritable défi ici est que Facebook permettait aux concepteurs d'accéder aux renseignements de gens qui n'avaient pas donné explicitement leur autorisation», a-t-il souligné, ajoutant que l'entreprise avait «perdu de vue» ce que les concepteurs réalisaient avec les données.

Deletefacebook

Sur le même ton, Max Schrems, un militant autrichien pour la protection des données, a affirmé que Facebook était au courant dès 2011.

M. Schrems affirme avoir eu en 2012 une réunion avec des représentants du géant américain pour évoquer les inquiétudes suscitées par l'utilisation d'applications tierces, mais que ces derniers avaient assuré n'y voir aucun problème.

«Ils ont explicitement dit que de leur point de vue, en utilisant le réseau vous consentez à une situation où d'autres personnes peuvent installer une application et rassembler vos données», a dit M. Schrems à l'AFP.

Facebook n'avait aucun moyen de savoir si les firmes qui recevaient les informations adhéraient aux règles de protection des données personnelles, a-t-il relevé.

L'affaire pourrait coûter gros au roi des réseaux sociaux: des cabinets d'avocats américains ont annoncé mercredi avoir déposé des plaintes et recours en nom collectif (class action) au nom de citoyens et d'actionnaires, et Facebook affrontait une campagne d'appels à se désabonner (deletefacebook).

L'action du géant américain parvenait toutefois à reprendre quelques couleurs mercredi après avoir fortement chuté lundi et mardi à la Bourse de New York.

Mis en cause dans le scandale, le développeur de «Thisisyourdigitallife» s'est défendu mercredi d'avoir agi illégalement, accusant CA et Facebook de vouloir se défausser sur lui.

«Nous pensions que nous faisions quelque chose de parfaitement normal», a dit M. Kogan. «Cambridge Analytica nous a assurés que tout était parfaitement légal et en conformité avec les conditions d'utilisation» de Facebook, a ajouté sur la BBC cet enseignant en psychologie à l'université de Cambridge.

Mark Zuckerberg a été prié de venir s'expliquer devant des députés britanniques qui lui ont donné jusqu'à lundi pour répondre. Le jeune milliardaire américain a également été invité à s'exprimer devant le Parlement européen qui va «enquêter pleinement» sur cette affaire.

Aux États-Unis, les procureurs de New York et du Massachusetts, imités par le régulateur américain du commerce (FTC), ont lancé une enquête.

Soupçons «très inquiétants»

Filiale de la société britannique de marketing Strategic Communication Laboratories (SCL) basée à Londres, CA est réputée proche du Parti conservateur britannique. Fondée notamment par Steve Bannon, ex-proche conseiller de Donald Trump, elle dispose de bureaux à Washington, New York et Londres.

Un porte-parole de Downing Street a indiqué que le ministère de la Défense avait eu un contrat avec SCL, mais qu'il s'était terminé en 2014.

La Première ministre, Theresa May, a jugé «très inquiétants» les soupçons qui pèsent sur CA et l'a appelé à coopérer pleinement avec l'enquête lancée par l'Information Commissioner's Office (ICO), autorité britannique indépendante responsable de la protection des données personnelles.

CA avait annoncé mardi la suspension de son patron Alexander Nix à la suite de «commentaires» de ce dernier enregistrés par la chaîne Channel 4 News, ainsi que d'autres «allégations» formulées à son encontre, qui «ne représentent pas les valeurs» de la société.

Les commentaires en question sont issus d'une enquête diffusée lundi et mardi par la chaîne britannique, où Nix apparaît en caméra cachée.

Les derniers éléments le montrent se vantant du rôle joué par son entreprise aux États-Unis dans la campagne Trump en 2016. Recherche, analyse, «on a dirigé sa campagne numérique», assure-t-il.