Longtemps cantonnés à leur marché local et quelques pays voisins, les constructeurs chinois de téléphones intelligents viennent désormais tenter leur chance dans la très concurrentielle Europe de l'Ouest, avec l'espoir de suivre les traces du géant Huawei, désormais numéro trois mondial.

En quelques jours, Xiaomi et OnePlus ont ainsi annoncé leur entrée sur le marché français, avec l'ouverture d'une première boutique parisienne pour le premier, quand le second faisait le choix de rejoindre le catalogue d'un opérateur, Bouygues Telecom.

«Le marché chinois a atteint son point de saturation, ils ont besoin d'aller voir ailleurs», indique Roberta Cozza, analyste chez Gartner. «Ils ont des produits de qualité, qui leur offrent la possibilité d'aller tenter leur chance sur des marchés plus matures», comme en Europe de l'Ouest.

Que ce soit en Chine, en Inde ou en Indonésie, ou même en Amérique latine, les principaux marchés de compétition pour les constructeurs chinois, il est en effet de plus en plus difficile de se faire une place, surtout que les ventes mondiales de téléphones intelligents sont en baisse ces derniers trimestres.

«L'arrivée en Europe marque la volonté de monter en gamme. La Chine n'est pas un marché émergent traditionnel, il est très équipé, mais l'avantage de l'Europe est que les consommateurs y sont un peu plus riches», estime Dexter Thillien, analyste chez BMI Research.

«C'est important car ils peuvent y écouler des téléphones avec la possibilité de faire un peu plus de marge» que sur leurs marchés traditionnels, abonde Mme Cozza.

Là où Xiaomi parie sur ses futures boutiques, mais également les canaux de vente classiques (grandes surfaces, magasins spécialisés et bien entendu vente en ligne), OnePlus préfère les partenariats avec les opérateurs, à l'image de Bouygues Telecom en France.

Et pour cause, sur le marché hexagonal, autant de téléphones intelligents se vendent auprès des opérateurs qu'à la Fnac, chez Carrefour, sur Amazon ou autres.

«Avancer pas à pas»

Pour le vice-président de Xiaomi, Xiang Wang, la stratégie consiste «à avancer pas à pas» sur les différents marchés européens: «nous avons déjà ouvert en Italie et en Espagne, qui nous ont permis d'apprendre en vue d'aller sur les autres marchés européens».

«Nous commençons toujours avec un partenaire dans un pays, mais il n'y a pas de raison de ne pas élargir ensuite. Nous avons débuté en Finlande, avec l'opérateur Elisa, puis au Danemark avec 3 et au Royaume-Uni, avec O2», explique aussi Carl Pei, cofondateur de OnePlus.

Avec de part et d'autre la même ambition: réussir à terme à intégrer le top 5 européen, alors que leurs ventes sur ce continent sont aujourd'hui anecdotiques.

Les deux entreprises viennent cependant tenter leur chance sur un marché désormais extrêmement concurrentiel, où les places sont chères derrière les trois géants Samsung, Apple et Huawei: ils captent à eux trois près des trois quarts du marché européen du mobile.

Et l'intérêt pourrait être ailleurs, selon Dexter Thilien, qui voit une «opportunité pour ces constructeurs de proposer en Europe des modèles un peu plus haut de gamme, qu'ils pourraient ensuite proposer sur des marchés un peu moins riches».

«L'Europe ressemble plus aux futurs consommateurs dans les pays émergents, et puis le marché est beaucoup plus simple et plus ouvert qu'il ne l'est aux États-Unis par exemple», ajoute-t-il.

Reste que le milieu de gamme est à son tour saturé en Europe. Wiko, Motorola, le retour de Nokia ou l'arrivée de l'Algérien Condor, sans compter sur le japonais Sony ou le sud-coréen LG: même en perte de vitesse, le marché des mobiles entre 250 et 500 euros connaît une concurrence féroce.

«Cela va être très compliqué pour tous et il n'est pas certain que tous les acteurs pourront survivre, d'autant que les cycles de renouvellement des téléphones intelligents s'allongent. Mais ils ont des téléphones "premium", de ce point de vue c'est important d'être présents», estime Roberta Cozza.

«Nous allons nous battre contre la perception des consommateurs, qui pensent que les prix bas signifient mauvaise qualité, ce qui n'est pas vrai. Mais c'est difficile de communiquer dessus: pour en prendre conscience, il faut qu'ils testent nos produits, ce sera notre principal défi», affirme Xiang Wang.