Malmenés ces dernières années, touchés par une vague de concentration qui a notamment vu le franco-américain Alcatel-Lucent se faire absorber par son concurrent finlandais Nokia, les équipementiers attendent avec impatience les premiers déploiements de réseaux mobiles 5G, qui pourraient leur ouvrir un avenir plus radieux.

Trois acteurs très présents dans les allées du Congrès mondial des télécoms (MWC), qui s'achève jeudi à Barcelone, se partagent désormais une grande majorité des équipements de réseaux, tant fixes que mobiles, installés partout dans le monde par les opérateurs: Nokia, le finlandais Ericsson et le chinois Huawei.

Ce dernier est d'ailleurs le grand gagnant des dernières années. Il a su se rendre incontournable sur tous les continents, mettant à mal les positions de ses concurrents avec des produits d'un coût souvent moindre et des dépenses de recherche et développement très élevées.

«Les marges ont beaucoup baissé avec l'arrivée de Huawei sur le marché», fragilisant un secteur déjà très concurrentiel et entraînant la fusion d'Alcatel-Lucent et Nokia, rappelle Dexter Thilien, analyste chez BMI Research.

Avec la 5G et son ambition de numériser et rendre connectable tous les aspects de la vie quotidienne et de l'industrie, les équipementiers espèrent des revenus additionnels.

«La 5G est bien entendu très bonne pour nous mais pas seulement, elle l'est pour les autres industries et plus largement pour la société», défend Erik Ekudden, directeur de la technologie pour Ericsson.

«Pour les fournisseurs de services, cela peut représenter une croissance supplémentaire de 35%, mais ce sera encore plus pour les autres industries. Notre propre croissance ne sera, en comparaison, que relativement modeste», insiste-t-il.

Pour certains, la 5G sera également une opportunité pour revenir dans le jeu concurrentiel. C'est en particulier l'espoir du conglomérat sud-coréen Samsung: s'il a réussi à devenir numéro un mondial du smartphone, il a en effet totalement raté la vague de la 4G dans son activité réseau.

«Ce sera assez compliqué», nuance Dexter Thillien, «même si Samsung est une très grosse entreprise qui peut se permettre de perdre de l'argent sur les réseaux pour gagner des parts de marché. Ce serait bien pour les opérateurs d'avoir un quatrième (équipementier avec qui négocier, NDLR) mais ça va être compliqué.»

Nouveaux débouchés commerciaux

C'est également dans le foisonnement des usages liés aux objets connectés que les équipementiers espèrent trouver un relais sérieux de croissance.

Car la volonté de connecter tout, partout et tout le temps amène des groupes n'ayant rien à voir avec les télécoms à envisager d'installer leur propre réseau, devenant de potentiels clients pour les équipementiers. Les français Engie ou Veolia ont par exemple déployé des réseaux pour leurs compteurs intelligents, et peuvent désormais les proposer à d'autres entreprises.

«Les opérateurs d'infrastructures (ports, aéroports, autoroutes, chemins de fer NDLR) font partie des acteurs qui font de potentiels très bons candidats pour des fréquences à destination de la 5G», a d'ailleurs rappelé le président de l'Autorité française de régulation des télécoms (Arcep), Sébastien Soriano, à Barcelone.

Les usages, qui sortent parfois totalement de ce que pouvait réaliser l'industrie des télécoms il y a quelques années, obligent les équipementiers à aller chercher des compétences ailleurs.

«Nous sommes experts en télécoms, nous ne savons pas forcément grand-chose de la meilleure manière de connecter une vache par exemple», explique Ryan Ding, président de la division réseaux chez Huawei. «Nous multiplions donc les partenariats pour trouver les meilleures solutions, nous en sommes à un millier aujourd'hui.»

Si la multiplication des acteurs et donc des clients potentiels représente une opportunité commerciale sérieuse pour les équipementiers, ces derniers semblent cependant privilégier la prudence.

«C'est un nouvel environnement commercial, il peut donc y avoir de la place pour de nouveaux acteurs. Mais la question d'échelle reste essentielle, d'un point de vue coûts, en particulier sur l'internet des objets, on ne peut pas multiplier les réseaux», pense M. Ekudden.

Une prudence renforcée par les leçons du passé: avec l'arrivée de la 3G, les opérateurs avaient dépensé sans compter, espérant récupérer leur mise grâce au développement de l'internet mobile qu'ils pourraient facturer à part. Ce n'est jamais arrivé.