Les consommateurs ne devraient pas compter sur Apple pour rendre ses téléphones et tablettes moins accrocheurs pour les enfants, affirment des experts, qui préviennent qu'un bon parentage est probablement la meilleure solution pour limiter le temps d'écran des plus jeunes.

Même si deux des plus grands actionnaires du géant américain de l'informatique réclament de nouvelles caractéristiques qui aideraient à limiter le temps que passent les enfants devant les écrans, ces experts font remarquer qu'il n'existe pas de solution simple à ce problème. En outre, poursuivent-ils, la responsabilité reste celle des parents lorsqu'il est temps de déterminer ce qui est le mieux pour leurs enfants.

«Je crois que la seule source de contrôle possible est celle des limites parentales directes», a noté Aimee Morrison, professeur associée à l'Université de Waterloo, qui étudie l'incidence de la technologie sur la culture.

Le plus récent débat sur la façon dont les entreprises technologiques peuvent prévenir la dépendance a été lancé par une lettre ouverte transmise par la société de placement new-yorkaise Jana Partners et le régime de retraite des enseignants de l'État de la Californie, qui détiennent ensemble pour 2 milliards $ US d'actions d'Apple.

«Apple peut jouer un rôle décisif en signalant à l'industrie que porter une attention particulière à la santé et au développement de la prochaine génération est à la fois une bonne décision d'affaires et la bonne chose à faire», peut-on lire dans la lettre.

«Nous croyons que s'attaquer à ce problème dès maintenant en offrant aux parents plus d'outils et de choix pourrait améliorer les activités d'Apple et faire grimper la demande pour ses produits.»

Apple a rapidement réagi en affirmant qu'un certain nombre de contrôles parentaux étaient intégrés à ses iPhone et iPad, et que de «nouvelles caractéristiques et améliorations étaient prévues pour l'avenir».

Mais les experts ne s'entendent pas pour dire que les enfants peuvent vraiment développer une dépendance aux écrans, rappelle le directeur de l'éducation chez MediaSmarts, Matthew Johnson - même s'il n'y a aucun doute qu'une «utilisation excessive» des téléphones et tablettes électroniques peut nuire à la santé physique et mentale.

Un «couvre-feu d'utilisation»

Il aimerait voir Apple mettre en place un outil qui établirait un «couvre-feu d'utilisation» pour limiter les capacités d'un appareil dans la soirée, moment où les enfants devraient se préparer à se mettre au lit. Ces contrôles devraient être plus élaborés qu'un simple interrupteur «ouvert-fermé», ajoute-t-il, pour que les parents puissent l'ajuster comme bon leur semble.

Mais les consommateurs ne peuvent pas compter sur les entreprises technologiques pour fabriquer des appareils qui ne posent aucun risque et ne requièrent pas de composante éducative de la part des parents, a ajouté M. Johnson.

«Il est important que (les caractéristiques de contrôle parental) ne soient pas perçues comme une solution complète. Ce qui est vraiment important, c'est que nous puissions donner graduellement plus de responsabilités à nos enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent.»

«Ce qui serait vraiment utile est un (outil) avec lequel nous n'établissons pas de limites très strictes en tant que parents, avec lequel nous ne supervisons pas directement (les enfants), mais qui ne leur donne pas une liberté totale non plus. Nous pourrions peut-être être capables de mettre des limites où nous croyons qu'elles sont nécessaires, nous pourrions être capables de leur faire des rappels, et nous pourrions peut-être être capables de régler cette période de couvre-feu.»

Même un des premiers concepteurs de l'iPhone a maintenant des réserves sur le niveau de dépendance que cause cet appareil - pour les enfants et pour les adultes. Tony Fadell, qui a quitté Apple pour se consacrer au thermostat numérique Nest, a écrit sur Twitter que «la dépendance aux appareils est réelle» et que «nous devons savoir où tracer la ligne et à quel moment nous avons basculé dans la dépendance».

Il suggère «des règles sur le temps d'écran, de vivre dans le moment présent, d'éviter les écrans pendant les repas, de renouer avec des passe-temps analogiques comme les livres, l'écriture et le dessin, de faire des journées sans technologie en famille, pour être ensemble» comme stratégies pour combattre la dépendance aux écrans.

La portabilité, un facteur distinctif

Si certains se sont demandé si les téléphones et les tablettes représentaient pour les enfants un attrait plus fort que la télévision ou les jeux vidéo à leurs débuts, Mme Morrison fait plutôt valoir que la portabilité est le facteur le plus distinctif de ces nouvelles technologies.

«Dans le premier âge d'or du téléviseur, dans les années 1950, lorsque les ménages installaient ces appareils dans leur salon - et ne captaient que trois chaînes -, les parents pouvaient entrer dans la pièce et fermer le téléviseur. Et les premiers systèmes de jeux vidéo, ainsi que les consoles, se branchaient sur le téléviseur dans la pièce principale», a-t-elle rappelé.

«Le problème avec l'iPhone et l'iPad, c'est qu'ils vont partout avec nous. Avant, il était possible d'enlever son enfant de devant le téléviseur et de lui dire »allons, nous allons faire l'épicerie«, mais maintenant, (les enfants) ne vont même plus entrer dans l'automobile sans demander: »Est-ce que je peux jouer avec ton téléphone?«»

«Je crois que c'est l'ampleur de l'utilisation, son ubiquité et son caractère invasif.»

Même si Apple n'a pas de responsabilité directe envers les parents, il n'est pas étonnant que l'entreprise se soit rapidement engagée à en faire plus, a observé Neil Bearse, directeur du marketing de la Smith School of Business de l'Université Queen.

Apple s'est longtemps mise en valeur en tant que société qui accorde une importance aux valeurs familiales et qui fabrique des produits «sécuritaires» auxquels les parents peuvent se fier, a expliqué M. Bearse.

«(L'ancien chef de la direction) Steve Jobs a essentiellement déclaré publiquement qu'il n'y aurait jamais de pornographie dans l'App Store», a-t-il souligné.

«On pourrait voir cela à travers l'objectif du cynisme commercial, en disant qu'ils veulent recruter des utilisateurs de l'iPhone le plus tôt possible dans leur vie (...) Mais pour un parent qui se demande (quel iPhone offrir à son enfant pour Noël cette année), l'angle familial est certainement conforme à ces valeurs.»