L'équipementier en télécoms finlandais Nokia, roi déchu du téléphone portable, est un spécialiste de la métamorphose qui a su se réinventer au cours de son histoire, et pourrait tenter un pari difficile en rachetant Alcatel-Lucent.

Le groupe, qui conçoit et bâtit des infrastructures de réseaux téléphoniques et internet, a indiqué mardi négocier une offre pour acquérir son concurrent franco-américain. Il n'est pas certain que ces discussions aboutissent.

Ce métier est l'héritage d'une coentreprise créée en 2007 avec Siemens, et baptisée à l'époque Nokia Siemens Networks. L'industriel allemand avait cédé ses 50% en 2013.

L'histoire de Nokia est jalonnée de deux décisions spectaculaires: celle de tout miser sur les téléphones portables en 1992, et celle de les abandonner en 2013.

Le finlandais s'était délesté dans les années 1990 de tout ce qui n'était pas la téléphonie et ses dérivés, à savoir des activités industrielles en perte de vitesse comme les pneus (qui ont donné naissance à Nokian Tyres), les câbles ou les téléviseurs.

Nokia est alors l'étoile montante du combiné portable, produit appelé à conquérir le monde. Il a vendu un téléphone de voiture au dirigeant de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev en 1984, et fourni l'appareil sur lequel le premier ministre finlandais Harri Holkeri passe le premier appel GSM de l'histoire, une norme toujours en vigueur aujourd'hui.

En 1998, le finlandais détrône l'américain Motorola comme numéro un mondial. Ses appareils essaiment dans le monde entier, réputés pour leur fiabilité, leur robustesse et leur simplicité d'utilisation.

Mais Nokia va rater le virage du téléphone intelligent, l'appareil connecté à internet, pris de court par le succès de l'iPhone que lance l'américain Apple en 2007. C'est un autre concurrent, le sud-coréen Samsung, qui ravit la place de numéro un mondial en 2012.

En 2013, après des années de pertes et d'échecs commerciaux retentissants, Nokia prend un tournant radical, annonçant la cession de ses téléphones portables à l'américain Microsoft.

Cette déchéance a fait l'objet d'un véritable examen de conscience national en Finlande, tant les conséquences pour l'économie du pays ont été désastreuses, en terme d'emplois supprimés, de revenus perdus et de dégâts pour l'image du secteur technologique.

Mardi, le projet d'absorber une entreprise qui s'est signalée par sa capacité à enchaîner les pertes ne rassurait pas les investisseurs, l'action Nokia reculant nettement à la Bourse d'Helsinki.

«En France, restructurer est aussi facile que de réformer le système de santé finlandais», ironisait sur Twitter un analyste de la banque Nordnet, Jukka Oksaharju, en référence aux discussions infructueuses des partenaires sociaux finlandais.