Le géant chinois du commerce en ligne Alibaba a annoncé lundi qu'il allait prendre une participation minoritaire dans son compatriote Meizu, un fabricant de téléphones peu connu, avec l'objectif affiché de renforcer sa présence dans l'internet nomade.

En injectant 590 millions de dollars US dans Meizu Technology, son premier investissement dans une firme de téléphones, Alibaba poursuit ses efforts pour consolider sa base d'usagers sur mobiles.

Pour le groupe, c'est un enjeu crucial: alors que le nombre d'utilisateurs actifs de ses plateformes de vente a bondi l'an dernier de 45% à 334 millions, 265 millions d'entre eux ont effectué des achats sur mobile, un chiffre presque doublé en un an.

En Chine, son premier marché, 42% des transactions se font désormais via des appareils portables, contre seulement 20% fin 2013.

L'investissement dans Meizu --contre une participation d'un niveau non précisé-- «représente une importante avancée dans notre stratégie mobile, alors que nous voulons apporter un large éventail d'options et d'expériences sur portables», a ainsi souligné Wang Jian, responsable des opérations technologiques d'Alibaba.

Pourtant, Meizu, fondé en 2003 et basé à Zhuhai (sud), semblait à première vue un improbable partenaire pour le mastodonte du web.

Si la firme a grandi sur fond de folle envolée des ventes de téléphones en Chine, ses ventes --estimées récemment par la presse chinoise entre 600 000 et 800 000 appareils par mois-- apparaissent bien modestes par rapport à celles des grands fabricants chinois.

Contre la domination d'Android

Mais Meizu est reconnu pour la qualité de ses technologies et, pour Alibaba, c'est l'occasion de mettre le pied à l'étrier à son système d'exploitation mobile, développé par l'une de ses filiales sous le nom de YunOS, et dont l'usage reste confidentiel.

Alibaba fournira à Meizu «ressources et soutien dans les domaines du commerce électronique, de l'internet mobile et de l'analyse de données», tandis que Meizu --comme il a déjà commencé à le faire à l'automne-- intègrera à ses téléphones le système YunOS d'Alibaba.

En Chine, sur un marché téléphonique très fragmenté, plusieurs constructeurs --tels Xiaomi, Huawei et Lenovo-- concurrencent le sud-coréen Samsung et l'américain Apple, avec des téléphones performants et souvent moins onéreux. Mais la plupart de leurs modèles tournent avec le système Android conçu par le géant californien Google.

De fait, beaucoup de ces firmes ont à coeur de doper leurs ventes à l'étranger, où le recours au populaire système Android facilite leur implantation.

Face à cette domination d'Android en Chine (neuf téléphones sur dix!), Alibaba a ciblé un constructeur bien plus petit, espérant aider YunOS à trouver progressivement sa place.

Salves d'investissements

«Alibaba cherche à promouvoir son système d'exploitation et lutte pour lui trouver des portes d'accès», observe Li Yujie, analyste du cabinet RHB Research à Hong Kong, cité par l'agence Bloomberg.

Selon lui, «ce n'est pas non plus un montant astronomique. C'est donc envisageable de voir Alibaba réitérer à l'avenir de tels investissements dans d'autres fabricants de téléphones».

Le chinois ambitionne d'équiper à terme des «dizaines de millions de téléphones» avec YunOS.

À l'instar de son rival américain Amazon --qui lui aussi s'est aventuré dans le secteur de la téléphonie--, Alibaba entend se développer directement sur les téléphones pour consolider le succès de ses plateformes de ventes (Taobao représente 90% du marché chinois des transactions de particulier à particulier).

D'où une salve d'acquisitions et investissements liés à l'internet nomade, face à l'essor d'applications concurrentes.

Alibaba, qui a fait une entrée fracassante à la Bourse de New York en septembre, a ainsi absorbé mi-2014 son compatriote UCWeb, dont le produit phare, le navigateur internet UC Browser destiné aux téléphones, comptait alors quelque 500 millions d'utilisateurs actifs.

Les deux avaient lancé conjointement au printemps un moteur de recherche pour le web mobile, Shenma («Cheval magique»), au succès fulgurant.

Alibaba a par ailleurs annoncé l'an dernier débourser 1,5 milliard de dollars pour acquérir le chinois AutoNavi (cartographie numérique).

Plus récemment, le groupe a dévoilé le rachat d'AdChina, acteur clef du marketing numérique en Chine, et un investissement dans la jeune entreprise israélienne Visualead, fournisseur de technologies de «codes QR» destinés aux téléphones.