La Commission européenne a pris mardi deux décisions dans la «guerre des brevets» qui fait rage entre acteurs de la téléphonie mobile, en s'abstenant d'infliger une amende à Motorola Mobility et en acceptant les engagements de Samsung, tous deux accusés d'abus de position dominante.

La Commission européenne, gardienne de la concurrence en Europe, avait adressé en mai 2013 une communication des griefs à Motorola Mobility, filiale de Google, à qui elle reprochait d'avoir déposé abusivement une injonction contre Apple en Allemagne pour le viol de ses brevets dans la téléphonie mobile.

Motorola Mobility, concepteur de téléphones intelligents et de tablettes, détient des brevets dits «essentiels» liés à des normes: il s'agit de brevets incontournables pour faire fonctionner des technologies largement répandues.

Motorola Mobility s'était engagé à concéder des licences pour ces brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, mais la Commission estimait que l'injonction visant Apple en Allemagne allait à l'encontre de ces engagements.

Les injonctions déposées en justice impliquent généralement l'interdiction à la vente du produit violant le brevet. Y recourir de manière abusive risque de nuire aux consommateurs en réduisant la concurrence, estime la Commission.

Dans sa décision de mardi, l'exécutif européen a jugé que l'injonction de Motorola contre Apple est bel et bien abusive et constitue un abus de position dominante, en violation des règles européennes.

En conséquence, la Commission a ordonné à Motorola Mobility d'éliminer les effets négatifs résultant de cet abus. En revanche, elle s'est abstenue de lui infliger une amende, qui aurait pu en théorie s'élever à 10% du chiffre d'affaires du groupe.

«C'était la première fois que nous avions à traiter d'un cas de brevet essentiel», a souligné au cours d'une conférence de presse le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia, pour expliquer cette décision. De plus, des tribunaux de différents États membres sont parvenus à des conclusions contradictoires dans ce genre de cas, a-t-il souligné.

Dans une décision séparée mais sur un sujet semblable, la Commission européenne a accepté les engagements proposés par le géant sud-coréen Samsung, et les a rendus juridiquement contraignants.

Il était également reproché à Samsung d'avoir abusé de sa position dominante en matière de brevets en cherchant à obtenir des injonctions injustifiées devant plusieurs tribunaux européens contre ses concurrents, en particulier Apple.

En vertu de ses engagements, Samsung s'abstiendra de recourir à des injonctions contre les entreprises qui accepteront un cadre de concession de licences spécifiques concernant les brevets essentiels pour la téléphonie mobile.

Ces deux décisions «apportent de la clarté juridique sur les circonstances dans lesquelles les injonctions pour faire respecter des brevets essentiels à une norme peuvent être anticoncurrentielles. Cela contribuera aussi à assurer le bon fonctionnement du processus de fixation des normes en Europe», a souligné M. Almunia.

Un autre épisode de la guerre des brevets est toujours en cours à Bruxelles: Microsoft a saisi en février 2012 la Commission contre Google et Motorola Mobility, qu'il accusait d'utiliser leurs brevets essentiels pour tenter de bloquer les ventes de ses produits, notamment les consoles de jeu XBox.

Les services de la direction générale de la concurrence travaillent sur ce dossier, «mais n'en sont pas encore à la phase finale», a indiqué mardi M. Almunia.